Reprise à l’Opéra Bastille de Lucia di Lammermoor de Donizetti dans la mise en scène désormais historique (1995) d’Andrei Serban. Un univers d’hommes, mi-corps de garde mi-amphithéâtre de la Salpêtrière, où le public bourgeois venait assister aux expériences de Charcot sur l’hystérie. Une salle de torture, avec passerelles, balançoire et espaliers, pour l’amoureuse persécutée au chant vertigineux. Un spectacle conçu pour June Anderson et Roberto Alagna, double présence magnétique. Les distributions suivantes étaient plus déséquilibrées : Mariella Devia, belcantiste consommée mais apparemment sujette au vertige, Sumi Jo impeccable et glaciale, Andrea Rost économe de ses moyens, toutes flanquées de ténors faire-valoir, jusqu’à Natalie Dessay (2006), spectacle à elle seule, et seule depuis Anderson à déchaîner un vent de folie. Aujourd’hui, deux distributions en alternance, rapports de force opposés. Yin et yang avec Patricia Ciofi - parfaite styliste et équilibriste mesurée - face à Vittorio Grigolo - chant débraillé mais sex-appeal affiché -, yang et yin avec Sonya Yoncheva - timbre somptueux et interprète casse-cou -, et Michael Fabiano - look ténébreux et chant de haute école. Troisième dimension : Ludovic Tézier (trop ?) élégant en méchant frère, cédant le pas au plus fruste mais plus efficace George Petean. Que du beau monde, cela s’entend.
François Lafon
Opéra de Paris Bastille, jusqu’au 9 octobre. Journée spéciale sur Radio Classique le 26 septembre en direct du Studio Bastille, suivie de la représentation à 19h30. Photo © Opéra de Paris