Au moment de la création, Chabrier affirmait que ces Pêcheurs de Perles auraient pu être des pêcheurs de harengs ! Autant dire qu'aujourd'hui, il faut un sacré coup de vent pour leur donner un peu de consistance, et c’est chose faite avec la mise en scène de Yoshi Oida. Loin de l’exotisme à la papa, nous voilà transportés dans un ailleurs inconnu et désolé, de terre ou d’eau peu importe. Mais c’est surtout un véritable coup de baguette magique, du même ordre que celui porté, grâce à sa partition, par Bizet sur un livret de carton pâte. Avec ces choix scéniques, la bluette de palmeraie écrite avec leurs pieds par Cormon et Carré devient définitivement un drame sombre et sensuel. Car tout l’intérêt des Pêcheurs de Perles est dans les tensions qui unissent les trois principaux caractères. André Heyboer (Zurga) est un baryton profond et tout en rondeur, séduisant bien qu’un peu pataud sur scène. Dmitri Korchak (Nadir) a le timbre idéal et la diction parfaite. Qu’il chante moins en force et avec plus d’assurance, et il sera de la trempe d’un Vanzo. Mais la palme revient à Sonya Yoncheva (Leïla), époustouflante de justesse. A côté de ce trio de choc, les chœurs, hélas, ont la diction et l'unisson flous. Les danseurs adorent se « desépauler » en se roulant par terre, mais - qu'ils en soient remerciés - sans que cela ne gêne trop la dramaturgie. Quant à l’Orchestre Philharmonique de Radio France, on aurait simplement préféré qu’il soit, tout comme Dmitri Korchak, plus dans la subtilité que dans l’effet.
Albéric Lagier
Opéra Comique 24, 26, 27 et 28 juin Photo © P. Grosbois