Ouverture de la saison à l'Opéra de Lyon : Le Vaisseau fantôme de Wagner mis en scène par Alex Ollé (La Fura del Baus), déjà artisan in loco (2011) d'un Tristan et Isolde de grande mémoire. Après les Vaisseaux psychanalytiques (Harry Kupfer à Bayreuth), sociologiques (Willy Decker à l'Opéra Bastille), financiers (Jan Philipp Gloger à Bayreuth - voir ici), retour au mythe. Retour ? A voir ce livre d'images en 3D (vidéos virtuoses de Franc Aleu) empruntant à l'heroic fantasy, à la BD d'Enki Bilal ou de Dan (Soda), on a plutôt la sensation d'un retour vers le futur. On y retrouve en tout cas une ouverture au rêve, une dimension mythique ces derniers temps refusées à ce Wagner de jeunesse, proche encore du fantastique alla Weber (Carl Maria). Hantés et hantant, ce cargo d'acier battu par la tempête enfermant dans sa cale le vaisseau fantôme et son équipage, ce cimetière de bateaux où le Hollandais volant demande l'impossible à sa fiancée rêvée, ces spectres de marins infiltrant la société des vivants. Tim Burton non plus n'est pas loin, et l'on imagine Johnny Depp en damné de charme, grand ordonnateur de ce ballet d'ombres. Direction d'acteurs travaillée (Ollé ne se contente pas de produire de belles images), plateau équilibré où une Senta vocalement problématique mais dramatiquement impliquée (Magdalena Anna Hofmann) ne dépare pas un ensemble ou brille Simon Neal (le Hollandais), Falk Struckmann (ex-Hollandais illustre jouant désormais les pères) et le ténor Tomislav Muzek en chasseur (ou combattant ?) égaré dans ce monde voué à l'incertitude des flots. Tout un art de l'insaisissable que, curieusement, l'excellent chef Kasushi Ono ne rejoint que par moments. La force des images, peut-être.
François Lafon
Opéra National de Lyon, jusqu'au 26 octobre Photo © Opéra de Lyon