Affluence au Palais Garnier pour Le Cid de Massenet avec Roberto Alagna. Un rôle sur mesures que la pop star des ténors a étrenné à Marseille (2011), d’où le spectacle est importé. L’ouvrage, composé entre Manon et Werther, n’est pas mémorable. On pense en l’écoutant à Anny Duperey vantant des appareils auditifs (« Son opéra le plus bruyant ? » « Non, le plus brillant »). Mais il y a quelques beaux airs (« O Souverain, ô juge… » pour Rodrigue, « Pleurez mes yeux » pour Chimène), quelques vers de Corneille surnagent au milieu d’un océan de platitudes, et Michel Plasson, comme dans Faust qu’il vient de diriger à l’Opéra Bastille (voir ici), s’emploie avec autant de succès à mettre en valeur les finesses de la musique qu’à en gommer les trivialités. L’effet Alagna fait le reste : tout le monde (avec un bémol pour Chimène - Sonia Ganassi, seule non-francophone de la distribution) chante sans effets, articule à la perfection, donne une leçon de style. Le plateau est luxueux, avec Annick Massis en Infante (rôle superbe dans la pièce, sacrifié dans l’opéra) et l’imposant Paul Gay en Don Diègue. Une fois ses aigus chauffés (et Dieu sait s’il en a, dès son entrée en scène), le héros de la soirée ne fait qu’une bouchée d’un rôle redoutable et fait presque oublier à force d’énergie et de naturel la banalité du spectacle (l’action est transposé sous Franco, so what ?) et l’absence de direction d’acteurs. C’est la première fois qu’il chante à Garnier, après de nombreuses apparitions à Bastille. On dirait pourtant que le théâtre a été construit rien que pour lui.
François Lafon
Opéra National de Paris, Palais Garnier, jusqu’au 21 avril. En direct sur France Musique le 18 avril Photo © DR