En 1653, après la Fronde et pour asseoir l’autorité de Louis XIV âgé de quinze ans, Mazarin organise un grand ballet de cour, le Ballet royal de la nuit : spectacle de treize heures, s’inscrivant dans une tradition née à la fin du XVIème siècle et mettant en scène, au fil de quarante-trois entrées dansées, la noblesse qu’il s’agit de dompter. Tous les arts sont mis à contribution : littérature (pour le livret), musique, danse, costumes et décors, et le jeune souverain à la fin s’avance, costumé en soleil. L’organiste et claveciniste Sébastien Daucé a tiré de cette œuvre d’art totale, pour La Chaise Dieu et d’autres manifestations, un programme de concert de deux heures ne retenant que la littérature et la musique mais conservant la structure de l’orignal, en quatre « veilles » : la Nuit (ou l’ordinaire de la Ville), Vénus (ou le règne des Plaisirs), Hercule amoureux (ou le jeune roi face au doux visage de l’amour), Orphée (ou l’Amour transfiguré). On apprécie les allusions à Louis et à son entourage dont déborde cet assemblage et surtout l’éventail des musiques instrumentales et vocales, empruntées ou non à l’entreprise de 1653, se prêtant à ce jeu : Michel Lambert, airs de Francesco Cavalli dont certains tirés de son Ercole amante, opéra commandé par Mazarin pour les noces du roi en 1660, Orfeo de Luigi Rossi, premier opéra représenté en France (1647), ou encore Antoine Boesset, sans oublier les anonymes. Impression parfois de pot-pourri, mais toujours compensée par la splendeur des morceaux, du madrigalisme et du coro d’opéra à l’italienne à la scène dramatique à la française, en passant par des danses infernales ou par le sabbat du ballet Junon, Le « Concert royal de la nuit » ? Sans doute l’événement marquant du festival 2015.
Marc Vignal
Abbatiale Saint-Robert, 25 août Photo © DR