Au Théâtre des Champs-Elysées, Julia Fischer (violon) et Yulianna Avdeeva (piano) parcourent trois siècles de sonates : Bach (Sonate BMW 1016), Brahms (Sonate n°3), Prokofiev (Sonate n° 1), plus le Scherzo signé Brahms de la Sonate FAE (Schumann-Brahms-Dietrich). Un tandem nouvellement constitué pour des œuvres réclamant une entente de vieux couple. Deux personnalités contrastées surtout, la rigoureuse violoniste allemande – vedette des estrades depuis une bonne décennie – rencontrant la lauréate réputée volcanique du Concours Chopin de Varsovie en 2010. Pas de rivalité apparente dans Bach : violon chantant, piano tricotant selon une tradition ignorant les canons actuels d’interprétation. Le dialogue s’instaure avec Prokofiev : atmosphère menaçante pour cette 1ère Sonate, challenger austère de la plus célèbre 2ème. Impression déjà que Julia Fischer, qui joue sans pupitre ni partition, occupe l’espace, la pianiste restant en retrait. Impression confirmée dans le Scherzo FAE, où le son du piano ne « sort » pas (comme on dirait d’une voix), infirmée dans la Sonate de Brahms, où le tempérament de Yulianna Avdeeva s’impose enfin face au violon rayonnant de Julia Fischer. Equilibre presque parfait dans les bis (Mélodie de Souvenir d’un lieu cher de Tchaikovski, Intermezzo de Schumann pour la Sonate FAE). Aux saluts, Julia Fischer embrasse chaleureusement sa partenaire tétanisée. A la ville comme à la scène…
François Lafon
Théâtre des Champs-Elysées, Paris, 14 octobre Photo © DR