Myrtille a 16 ans. Elle est de Savoie. De n’importe quelle Savoie, une bourgade comme il y en a tant entre le lac de Genève et Annemasse. Pour son anniversaire, un week-end à Paris chez son oncle. Samedi, un trou dans le programme. Et voilà qu’elle sort du Pariscope « Œuvres de Haydn, 16h30, Saint Vincent de Paul », parce que ça colle juste entre la tour Eiffel (à 14h00) et Battle Ship (en VF au Grand Rex à 18h40, arghhh)… Je me console : elle aurait pu choisir Les Saisons de Vivaldi à la Sainte-Chapelle ! Bon oncle, me voici cheminant avec elle vers la seule église de Paris qui me fasse sourire (c’est elle que l’Oncle Gabriel confond avec le Panthéon dans Zazie dans le Métro). A l’arrivée, première surprise, les « œuvres de Haydn » sont Les Sept dernières paroles du Christ. A l’intérieur, seconde surprise, le quatuor Antarès , peu connu et délaissé de la critique, entame ce chef d’œuvre et la magie opère. Une interprétation fervente et impeccable, une sonorité ronde et amplifiée par la réverbération de l’église, la proximité des interprètes, les jeux de la lumière naturelle, l’attention non feinte du public. .. Après une heure de béatitude, Myrtille dit bravo. Moi aussi. J’ai (re-)découvert qu’entre la Tour Eiffel et Le Grand Rex, il n’y a pas que le Théâtre des Champs-Elysées, et qu’en cette période électorale, la démocratie a un sens.
Albéric Lagier