Aux Bouffes du Nord : Fugue, de La Vie brève, mise en scène de Samuel Achache. La troupe (rien à voir avec l’opéra homonyme de Manuel de Falla) s’était déjà illustré en 2013 sur la même scène avec Crocodile trompeur/Didon et Enée (voir ici), happening lyrique savamment incontrôlé. Cette fois, Purcell est encore mis à contribution, mais aussi Couperin et Bach, ainsi que le contemporain Florent Hubert, pour une fugue prise au pied de la lettre, c’est à dire une fuite en avant musicale d’un rapport mathématique parfait, produisant pourtant une infime inharmonie « amenant à repenser la norme de la justesse ». D’où une abracadabrantesque histoire de mission scientifique dans les glaces du pôle Sud (le spectacle a été créé au festival d’Avignon par 30° à l’ombre) très librement inspiré d’un documentaire du cinéaste Werner Herzog, où l’on joue et philosophe, où « l’on chante quand les mots manquent ou qu’ils ne suffisent pas », où les objets ont une âme, à commencer par cette baignoire remplie donnant - si l’on peut dire - la réplique à un contre-ténor emmailloté de sparadrap informatique. Et si l’on est moins bluffé par cette Fugue que par Crocodile trompeur, c’est parce que l’effet de surprise est passé, mais peut-être aussi parce que les auteurs-acteurs y jouent davantage sur la réflexion que sur l’énergie pure.
François Lafon
Aux Bouffes du Nord, Paris, jusqu’au 24 janvier. En tournée du 29 janvier au 16 mars (Romans, Lyon, Châlons-sur-Saône, Toulouse, Cherbourg, Vanves, Valence) Photo © Jean-Louis Fernandez