Quand on parle d’un seul souffle de Carl Philipp Emanuel Bach et Haydn, il y a de grandes chances que ce soit à propos de leurs sonates pour clavier. Oui, Haydn découvrit et joua lui-même les sonates d’Emanuel, mais ce fut plus tard qu’on ne le crut longtemps. Oui, certaines de ses sonates s’inspirent plus ou moins de celles de son aîné, mais seulement aux alentours de 1770, pas dès ses débuts. Quand en 1784 un journal anglais prétendit que Haydn, dans certaines de ses sonates, non seulement plagiait Emanuel mais surtout se moquait de lui, le musicien d’Eszterhaza n’en sut rien et celui de Hambourg, l’ayant appris, prit sa défense et lui témoigna par écrit son estime. Dans un récital de pianoforte, Mathieu Dupouy a réuni les deux compositeurs. Les premières pièces du programme - le rondo Wq.61/1 et la sonate Wq.61/2 du dernier recueil « pour connaisseurs et amateurs » d’Emanuel et la sonate en ré n°56 (Hob.XVI.42) de Haydn - ont mis en évidence leurs façons différentes d’aborder l’improvisation : plutôt débridée chez l’un, sans perdre de vue l’architecture chez l’autre, mais avec des effets de surprise d’autant plus marqués. Suivaient deux œuvres tardives de Haydn : la sonate en ut n°60 (Hob.XVI.50) et les célèbres variation en fa mineur. On était dans un autre monde, plus question d’Emanuel. Reste que cette expérience intéressante mérite d’être poursuivie, bien des œuvres de l’un et de l’autre s’y prêteraient volontiers.
Marc Vignal
Reid Hall, Paris. 2 juin 2012