Au Théâtre de la Colline, Les Autonautes de la cosmoroute, une création collective d’après Julio Cortazar et Carol Dunlop, par la compagnie Jakart et Mugiscué. En 2010, un groupe de huit acteurs réitère le pari fou tenu vingt-huit ans plus tôt par l’écrivain franco-argentin et sa compagne : faire, en camionnette Volkswagen Combi rouge, le voyage Paris-Marseille sans quitter l’autoroute, en faisant escale sur soixante-cinq aires de stationnement, à raison de deux par jour. Le spectacle, fou lui aussi, mêle les deux expériences. Première scène : quatre filles et quatre garçons assis en rang d’oignon, huit voix soigneusement accordées décrivant les lieux, les bruits, les événements, la végétation, le monde vu depuis « cette grande voie qui s’étalait en vain depuis des années, devant nos yeux scellés par l’ignorance. » On pense à l’Octuor de Schubert (clarinette, basson, cor, deux violons, alto, violoncelle, contrebasse), un des compositeurs favoris de Cortazar. Au fil du voyage : solos, duos, trios, thèmes récurrents, ruptures façon Schumann, mélodie continue wagnérienne (le Combi s’appelle Dragon Fafner), musique concrète à la Pierre Schaeffer (la circulation de jour et de nuit), chansons variées, de Kate Bush à Delphine Seyrig chantant Carlos d’Alessio. On sort de ce délire très fin avec la même impression d’équilibre qu’après un bon concert de chambre. Et en plus, on rit.
François Lafon
Théâtre National de la Colline, Paris, Petite Salle, jusqu’au 19 avril - Julio Cortazar et Carol Dunlop : Les Autonautes de la cosmoroute (Gallimard, collection « Du Monde entier », 1982, hélas! épuisé) Photo © Elisabeth Carecchio