A l’Opéra Bastille, nouvelle présentation, importée de Londres via Vienne, Milan, Barcelone et San Francisco, d’Adriana Lecouveur de Francesco Cilea, avec Angela Gheorghiu en vedette. Un point final à l’ère Nicolas Joël, lequel tout au long de son quinquennat a tenté de réhabiliter un répertoire italien mal-aimé. Mise en scène conservatrice de David McVicar : éventails et robes à panier, buste de Molière sur la cage du souffleur (on est à Paris, sous Louis XV), théâtre tournant plateau-coulisses pour raconter l’histoire, à la scène comme à la ville, de la tragédienne amoureuse victime d’une méchante rivale. Agitation perpétuelle, pantomime sur ressorts tenant du théâtre de boulevard et permettant au spectateur distrait (par la musique ?) de suivre sans peine l’action, elle-même tirée d’un mélodrame signé Scribe et Legouvé, créé par Rachel et repris par Sarah Bernhardt avant de ne survivre qu’à travers sa version lyrique. Objectif dramaturgique : brosser un portrait de femme émouvant et crédible, contrastant avec la convention ambiante. C’est en cela que quelques grandes interprètes – Magda Olivero jadis, Renata Scotto naguère, Mirella Freni en 1993, déjà à Bastille – ont marqué le rôle. Angela Gheorghiu, pourtant belle et chantant à ravir, ne sort pas du tableau, elle s’y fond même, comme absente à elle-même sitôt qu’elle cesse de jouer les séductrices de théâtre. Pour elle, l’orchestre (chef : Daniel Oren) fait patte de velours, se remusclant pour faire passer les longues plages de remplissage entre airs et duos. Efficacité en revanche de Luciana D’Intino (la méchante rivale), Marcelo Alvarez (l’amant dépassé par les événements) et Alessandro Corbelli (le régisseur amoureux). Et dire qu’Adrienne Lecouvreur, la vraie, s’est rendue célèbre par son jeu sans afféterie au milieu de partenaires au style ampoulé.
François Lafon
Opéra National de Paris Bastille, jusqu’au 15 juillet. En différé sur France Musique le 26 juillet Photo © C. Ashmore