A l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, spectacle de fin de saison de l’Académie (englobant désormais l’Atelier lyrique) de l’Opéra de Paris : L’Orfeo de Monteverdi. Lieu et place tout trouvés pour ce prototype (1607) du genre, où l’on voit et entend en temps réel le madrigal engendrer le théâtre chanté. Dans cette arène à la fois ouverte et souterraine, le chef Geoffroy Jourdain crée un jeu particulier de miroir entre son ensemble Les Cris de Paris et les jeunes solistes, considérés comme un groupe duquel naissent les personnages. Revers de la médaille : cet espace éclaté gêne la nécessaire fusion des timbres, comme si l’ensemble instrumental peinait à communiquer aux voix son énergie et sa richesse. La faute aussi à la mise en scène de Julie Berès, réputée selon le programme pour « créer un théâtre en prise avec le réel, fort des contradictions de son temps », mais restant ici anecdotique et disparate. Reste que s’ils ont souvent l’air – surtout dans la première partie « madrigalesque » – de marcher sur des œufs, les membres de l’Atelier ont intégré le style montéverdien, cette expression des affects où tout est dit pour les quatre siècles à venir : bel Orphée, terrien et poétique (le baryton Tomasz Kumiega), imposante Messagère (la mezzo Emanuela Pascu), Apollon naturellement arbitre du jeu (Damien Pass, ancien de l’Atelier). En ce sens, et c’est là le but de l’expérience, les élèves ne sont pas si loin d’être des maîtres.
François Lafon
Opéra National de Paris Bastille, Amphithéâtre, jusqu’au 21 mai Photo © Studio