Modernité (du siècle dernier) en trois volets à Pleyel par Simon Rattle et le Philharmonique de Berlin : juste avant la révolution atonale (Schönberg : La Nuit transfigurée), juste après (Berg : Trois fragments de Wozzeck), voie de traverse (Stravinsky : Le Sacre du printemps). Peut-être plus l’orchestre de Karajan, mais toujours une sorte de perfection. Pendant La Nuit transfigurée, un jeune homme, au dernier rang derrière l’orchestre (c'est-à-dire face à la salle), est pris d’une crise d’angoisse. Toxique en effet, sous ses dehors raffinés, cette musique que Rattle dirige comme un opéra sans paroles (aveu d’infidélité, rédemption par l’amour, d’après un poème de Richard Dehmel), où Brahms et Wagner (ennemis jurés) se retrouvent avant de céder la place à un autre monde. Le chef romantise aussi, sans pourtant en émousser l’électricité, le best of de Wozzeck destiné - un an avant sa création - à promouvoir l’opéra, trouvant en Barbara Hannigan une soliste à l’expressivité aiguë mais à la voix légère. Le Sacre du printemps (voir ici) - énième exécution en cette année anniversaire – souffre davantage de cet arrondi généralisé : à trop s’attarder sur les passages méditatifs, Rattle compromet la fête sauvage. Pour être d’une efficacité à toute épreuve, cette musique « écrite gros » (Pierre Boulez) serait-elle la plus fragile des trois ?
François Lafon
Salle Pleyel, Paris, 1er septembre. En différé sur France Musique le 1er octobre à 20h Photo © DR