Phi-Phi et Ariane à Naxos, même combat. J’exagère ? Oui, un peu, quoique… Hasards de la programmation : on peut voir les deux dans la foulée, l’un à l’Athénée, l’autre à l’Opéra Bastille. Mais quel rapport entre l’opérette gauloise qui a émoustillé nos arrière-grands-parents et l’opéra ultra-sophistiqué, plus germanique que nature de Strauss et Hofmannsthal, avec intrigues en abîme et musique à l’avenant, sinon qu’ils racontent des histoires de leur temps sous couvert d’antiquité et qu’ils datent tous deux de la fin de la guerre de 1914-1918, c'est-à-dire, selon les historiens, du début effectif du XXème siècle ? Eh bien tout est là, justement : l’instinct de vie, le besoin de conjurer l’apocalypse, la redistribution des rôles entre les guerriers désarmés et les amazones ragaillardies. Les deux spectacles poussent à la comparaison : univers bling-bling, légèreté de l’être soulignés par Laurent Pelly dans sa mise en scène d’Ariane, marionnettes façon statues grecques, théâtre dans le théâtre et cynisme de notre temps pour Phi-Phi (bravo la compagnie Les Brigands, qui renonce enfin au bâclage sous couvert de second degré). Dans Ariane, la comédie de l’infidélité coiffe au poteau la tragédie de la fidélité. Dans Phi-Phi, dont le librettiste Albert Willemetz avait plus d’idées que le musicien Christiné, les épouses et les maîtresses revendiquent les mêmes pouvoirs, et ce sont les modèles court-vêtus du sculpteur (Phi-Phi, c’est Phidias) qui manipulent les mâles-marionnettes. Salles pleines, public concerné. S’agirait-il, cette fois encore, de conjurer l’apocalypse ?
François Lafon
Phi-Phi, d’Henri Christiné. Mise en scène Johanny Bert, direction musicale Christophe Grapperon. Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 9 janvier.
Ariane à Naxos, de Richard Strauss. Mise en scène Laurent Pelly, direction musicale Philippe Jordan. A l’Opéra de Paris-Bastille, les 20, 22, 25, 28 ; 30 décembre.
Photo : Phi-Phi © Elisabeth de Saverzac