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Opéra Comique : Le Domino noir gagne la partie
mardi 27 mars 2018 à 00h37
Première à l’Opéra Comique du Domino noir de Daniel-François-Esprit Auber dans une mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort, donné en preview le mois dernier à Liège avant d’être repris à Lausanne en 2021. Un classique maison (neuvième titre le plus joué avec 1195 représentations de 1837 à 1911) longtemps oublié, la mode des dominos (grands capuchons sous lequel les dames sortaient incognito) étant passée et Auber étant surtout connu pour avoir laissé son nom à une rue et, plus récemment, à une station de RER. Elève de Cherubini (et son successeur à la tête du Conservatoire de Paris), dandy doué pour les affaires au même titre que son librettiste Eugène Scribe (leurs ouvrages communs leur ont rapporté beaucoup d’argent), celui-ci a suscité l’admiration de Berlioz (on retrouve trace du Domino dans Benvenuto Cellini) et assuré à la française l’après Rossini et l’avant Offenbach. A la question : « ressusciter ce répertoire, pourquoi pas, mais comment le mettre au goût du jour ? », les metteurs en scène répondent avec finesse, évitant l’anachronisme téléphoné et créant un univers où le cartoon et le nonsense parlent au présent. De cette invraisemblable histoire de future abbesse qui profite de la nuit de Noël pour enterrer sa vie de laïque sous le couvert d’un domino noir (elle rencontrera l’âme sœur et jettera la cornette aux orties), ils font un show surréaliste où les humains s’animalisent et où les cochons chantent, où les statues pieuses tentent un rapprochement tandis que ricanent les gargouilles (Valérie Lesort est aussi plasticienne), façon d’évoquer l’anticléricalisme montant sous la monarchie bourgeoise. Autre réponse, musicale celle-là : le plateau est éblouissant, dans le style sans faire vieux style, crème d’une école française enfin retrouvée, dont le duo Anne-Catherine Gillet/Cyrille Dubois et leurs camarades (excellente Marie Lenormand en Gouvernante Muppet Show) sont les têtes de pont. Dans la même veine le chef Patrick Davin, disciple de Pierre Boulez qui a déjà triomphé salle Favart avec La Muette de Portici du même Auber, fait pétiller cette musique « bien faite » (comme on parlera pour le cinéma de « qualité française ») avec une tenue toute classique (excellent Philharmonique de Radio France) que le tonique mais réservé Auber n’aurait probablement pas désavouée. 
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 5 avril. En différé le 15 avril à 20h sur France Musique (Photo © Vincent Pontet)

 

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