Salieri (1799), Nicolai (1849), Verdi (1893) et Vaughan Williams (1929) ont tous composé un opéra d’après Les Joyeuses Commères de Windsor de Shakespeare, seul celui de Nicolai reprenant le titre de la pièce. Otto Nicolai (1810-1849) a survécu dans les mémoires grâce à cet ouvrage, créé à l’Opéra de cour de Berlin deux mois avant sa mort soudaine, et comme fondateur des Concerts philharmoniques de Vienne. Die lustigen Weiber von Windsor est un des meilleurs opéras bouffes qu’ait produit l’Allemagne au XIXème siècle. L’Italie (que Nicolai connaissait bien) est présente, en particulier dans les ensembles, mais aussi Carl Maria von Weber (évocation de la forêt de Windsor et du légendaire chasseur Herne), sans oublier, dès la célèbre ouverture, l’opérette naissante. L’Opéra de Lausanne joue le jeu, avec une mise en scène des plus vivantes du franco-germanique David Hermann. Chant dans la langue originale, mais avec interpolations de dialogues en français actualisant non sans humour les situations. Sir John Falstaff (le baryton-basse Michael Tews) est à Lausanne moins un personnage de chair et de sang que le fantasme insaisissable aussi bien des deux « commères » qu’il poursuit en vain de ses assiduités que du mari jaloux qu’est M. Fluth (chez Shakespeare Mr Ford). Un « Psy » se mêle de la partie, et un vent de folie souffle, par-delà la solide présence scénique de la troupe, en particulier de la soprano roumaine Valentina Farkas (Mme Fluth). Ce qu’on voit et entend à la fin, quand les masques sont supposés tomber, est une réjouissante bacchanale : tout le monde, y compris l’orchestre dirigé par Frank Beermann, s’en donne à cœur joie. Un beau séjour à Windsor, sous le signe de la verve et du charme mélodique.
Marc Vignal
Opéra de Lausanne, 15 juin 2014 Photo © M. van Appleghem