Inviter des baroqueux à diriger l’Orchestre de Paris, c’est une idée louable, ne serait-ce que pour conjurer l’expérience ratée avec Frans Brüggen (1998 – 2000). Cette fois, c’est Jean-Christophe Spinosi qui s’y colle, avec un programme à risques : la Symphonie « L’Ours » de Haydn, le Concerto pour deux pianos et la Messe du Couronnement de Mozart. Pour le chef, le grand jeu : exercice de style (Haydn), accompagnement de solistes – instrumentistes et chanteurs – et maniement de grands effectifs. Spinosi, connu pour ses Handel et ses Rossini, attaché à prouver sa valeur dans des répertoires plus récents, s’est fait une réputation en galvanisant du geste son Ensemble Matheus. Face à l’Orchestre de Paris, son agitation est étrange : n’est pas Leonard Bernstein qui veut. L’orchestre le suit, mais sans renoncer à sa respiration, qui est large, ni à sa sonorité, qui est charnue. La symphonie de Haydn est en place, mais tournée vers l’effet. Cela marche : le public se laisse avoir par les fausses fins du dernier mouvement, et applaudit en plein milieu. Dans le concerto, l’orchestre se relâche, mais on écoute surtout la grande Maria Joao Pires phraser à ravir, secondée par son élève David Bismuth. La messe, elle, est de trop : mise en place hasardeuse, éclats à contre-sens. Un moment de grâce, quand la soprano Marita Solberg chante l’Agnus Dei, petit frère du Dove sono de la Comtesse dans Les Noces de Figaro. Mais il y a longtemps que pour le chef, l’enthousiasme ne suffit plus.
François Lafon