L’Orchestre Pulcinella, ensemble à géométrie variable (du trio à l’orchestre de chambre), vient de fêter son dixième anniversaire par une manifestation très bigarrée faisant appel à diverses disciplines artistiques. Part du lion réservée à la musique, mais avec en prime lectures de texte et danse, tout cela ou presque sous le signe de Venise, de la Folie et de l’Espagne. Le choix de deux symphonies pour cordes de cet esprit fantasque qu’était Carl Philipp Emanuel Bach, un des compositeurs de chevet de Pulcinella, s’imposait, l’une en début et l’autre en fin de programme. La Folia, à l’origine danse populaire portugaise du XVIème siècle, passa ensuite en Espagne, et un spécimen s’en répandit à travers l’Europe sous le nom de Folie d’Espagne, traité en variations jusqu’au XXème siècle par de nombreux compositeurs dont Vivaldi : un des grands succès de la soirée, mais précédé de la lecture d’un texte assez délirant sur le Prêtre Roux et ses rapports avec Venise. Impossible pour la violoncelliste Ophélie Gaillard, directrice artistique de Pulcinella, d’oublier Boccherini, Italien fixé en Espagne : d’où les deux derniers mouvements de son concerto en sol G.480, avec pour le finale une cadence improvisée dotée d’une fugitive citation mozartienne. Seconde partie largement consacrée à Haendel : pages vocales et instrumentales du meilleur aloi, suivies d’une improvisation pour violoncelle (Bach) et danseur, et d’une seconde lecture quant à elle tout à fait en situation : d’un texte de Casanova, autre éminent Vénitien. Au total, une quinzaine de morceaux se succédant sans heurts, tout naturellement, comme autant de lettres à la poste. Mais en vertu de quoi faire croire que la symphonie en mi mineur Wq.178 de l’Allemand du nord Carl Philipp Emanuel Bach, une de ses plus connues, est dite « du Fandango » ?
Marc Vignal
Salle Gaveau, 27 novembre Photo © DR