Mardi 19 mars 2024
Concerts & dépendances
vendredi 30 septembre 2011 à 15h52

Violoniste (un des plus fameux de son temps), pianiste, chef d’orchestre et pédagogue, George Enesco fut essentiellement compositeur, le plus éminent qu’ait produit la Roumanie. C’est ainsi que, depuis 1958, un Festival International, qui a lieu tous les deux ans, porte son nom. Considéré par Pablo Casals comme « le plus grand phénomène musical depuis Mozart », Enesco avait déjà donné à vingt ans plusieurs œuvres importantes, dont le Poème roumain opus 1 (1897) et l’Octuor à cordes opus 7 (1900). Seules ses deux Rhapsodies roumaines opus 11 (1901), et sans doute aussi sa splendide Sonate pour violon et piano n°3 « dans le caractère populaire roumain » opus 25 (écrite en 1926 alors qu’il a vingt-cinq ans), bénéficient d’une notoriété certaine. C’est regrettable. Son style musical est certes inhabituel, surtout du point de vue rythmique et polyphonique, mais se définit également par sa puissance et son pouvoir de suggestion. Son penchant pour l’autocritique limita sa production officielle, mais il composa sans relâche : sa testamentaire et complexe Symphonie de chambre opus 33 date de 1954, un an avant sa mort. De ce Français d’adoption, la partition majeure, l’opéra Œdipe, fut créée à Paris au Palais Garnier en 1936. Le vingtième Festival International George Enescu (Enesco est la francisation de son patronyme) s’est tenu du 1er au 25 septembre 2011 à Bucarest et dans sept autres villes roumaines : plus de 160 événements dont 90 concerts et spectacles, 100 solistes et 65 ensembles musicaux dont 31 orchestres et 3 corps de ballet. Y assister permet de saisir l’ampleur et la variété de la vie musicale dans ce pays.

Marc Vignal

(suite demain)

jeudi 29 septembre 2011 à 01h34

Première de Faust à l’Opéra Bastille, dans la nouvelle mise en scène de Jean-Louis Martinoty. Au quatrième acte, ce sont les bourgeois qui chantent « Gloire immortelle de nos aïeux », pendant que les soldats, éclopés, défilent en silence. La référence est raffinée : en 1975, dans la mise en scène de Jorge Lavelli (donnée jusqu’en 2003), les éclopés chantaient eux-mêmes, sous les huées du public. Aujourd’hui, l’acte de défaitisme ne choque plus personne, et Martinoty explique qu’il est fier d’avoir corsé la situation. Tout est à l’avenant dans le spectacle : le sexe, la science et la religion sont surexposés, les situations grassement soulignées. Il doit s’agir de retrouver le parfum de scandale. Peine perdue : Faust est plus que jamais l’emblème du vieil opéra, même si Méphisto est habillé en Monsieur Loyal, même si Marguerite est court vêtue. De belles idées pourtant : l’Air des bijoux transformé en flirt avec le Diable, ou le vieux Faust contemplant son jeune avatar. Le spectacle est à la gloire de Roberto Alagna, rock star à la diction fluide et à l’aigu brillant. Les autres sont perdus dans la foule. C’est juste si l’on remarque Paul Gay, Méphisto à la française rappelant Roger Soyer, le premier interprète de la production Lavelli. Le chef Alain Altinoglu (né en 1975) maintient les troupes et épouse les tempos du ténor. Ce dernier ne s’est pas entendu avec Alain Lombard, dont ce devait être la rentrée à l’Opéra, et qui a quitté le navire. Dommage : il y aurait eu quelque chose de faustien dans l’affrontement de ces deux egos.

François Lafon

Gounod : Faust. Opéra National de Paris Bastille, les 1, 4, 7, 10, 13, 16 (matinée), 19, 22, 25 octobre. En direct sur France 3 le 10 octobre. 

dimanche 25 septembre 2011 à 00h56

Ouverture de la saison au Châtelet avec Cruzar la Cara de la Luna (Gagner l’autre côté de la Lune), un opéra mariachi signé José « Pepe » Martinez. Trompettes y sombreros en version lyrique ? D’une certaine manière. Il s’agit en fait d’un musical créé au Houston Grand Opera dans le cadre de l’opération Songs of Houston, une série de commandes mettant en scène les diverses communautés peuplant la capitale du Texas. Là bas, cette romance convoquant trois générations, depuis le grand-père parti du Mexique pour chercher fortune dans le nord jusqu’à la petite fille qui ne sait plus que quelques mots d’espagnol, est ancrée dans le quotidien. Ici, on est charmé par la musique (excellent Mariachi Vargas de Tecalitlán : six violons, trois trompettes, harpe, guitare, guitarrón et vihuela) et séduit par le professionnalisme de la troupe, où chanteurs classiques et voix traditionnelles se marient sans fausse note. A la troisième des six représentations, samedi soir, la salle est enthousiaste, mais loin d’être pleine : les rythmes hispaniques attirent moins que les feux de Broadway. C’était déjà arrivé il y a deux ans avec Magdalena de Villa-Lobos. C’est dommage : en matière d’entertainment, ce côté de la Lune vaut bien l’autre.

François Lafon
 

Au Châtelet, Paris, les 25 (matinée et soirée), 26 et 27 septembre.

samedi 24 septembre 2011 à 11h04

Rentrée de Myung-Whun Chung à la tête du Philharmonique de Radio France à Pleyel. Au programme, deux œuvres nées sur le même sol (Salzbourg - Linz), mais séparées par un siècle et tout un monde : le Concerto pour hautbois de Mozart et la 6ème Symphonie de Bruckner. Dans ce Mozart galant, contemporain du Concerto pour piano « Jeunehomme », Chung prépare Bruckner : articulations abruptes, cordes capiteuses. Le Philharmonique, très en forme, le suivra dans sa volonté de hisser à la hussarde la mal aimée des Symphonies de Bruckner à la hauteur de ses voisines. Contraste entre les œuvres, contraste entre les interprètes : François Leleux joue Mozart. En bis : transcription du 2ème air de la Reine de la Nuit. Nasillard, le son du hautbois ? Ce soir, c’est la plus belle, la plus virtuose des voix que l’on entend. C’est Chung qui avait engagé Leleux dans l’Orchestre de l’Opéra de Paris à sa sortie de Conservatoire. La star revient au bercail.

François Lafon

samedi 17 septembre 2011 à 14h48

Avant de partir pour Londres en 1762, Johann Christian Bach, le dernier fils de Johann Sebastian, s’était engagé à composer deux opéras pour le King’s Theatre. Le second, Zanaïda, y fut créé le 7 mai 1763. Huit airs furent immédiatement publiés, en réduction pour clavier et sous le titre de Favourite Songs (Chansons favorites), le reste disparut. Miracle : en 2010, le manuscrit autographe a refait surface dans une collection privée aux Etats-Unis, sans toutefois que puisse être précisé quel avait été son itinéraire durant deux siècles et demi. Résultat : en 2011, Zanaïda a été ressuscité en Allemagne, et maintenant à Paris en version de concert. Le livret, d’après Siface de Pietro Metastase, traite de rivalités amoureuses et politiques consécutives à une guerre entre la Perse et la Turquie. Or sur une intrigue d’un type déjà passablement usé, le jeune Johann Christian - compositeur n’ayant rien de « baroque » - écrivit une musique belle et originale relevant pleinement du « classicisme » en ses débuts, ouvrant grand les portes d’une époque illustrée notamment par Mozart (sept ans en 1763) : trois actes, vingt-trois scènes, neuf personnages, airs évitant soigneusement le traditionnel da capo, orchestre aux sonorités inventives, avec clarinettes. A retenir : les 11 et 12 février 2012, Zanaïda sera donné en version scénique au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Marc Vignal

Zanaïda. Opera Fuoco. Direction musicale : David Stern Paris. Cité de la Musique. 15 septembre

mercredi 14 septembre 2011 à 10h27

Dynastie Borgia à la Cité de la musique, dans le cadre du cycle Passions – Le désordre amoureux. Diable ! A l’heure où Canal + annonce une nouvelle série à grand spectacle sur le sujet (« Borgia : n’ayez pas foi en eux »), le - comment dire ? - concert, spectacle, happening ? - imaginé par Jordi Savall promet de sulfureuses émotions. Il s’agit en fait d’un condensé du livre-disque (3 CD) paru l’année dernière (Alia Vox – Soleil de Musikzen.fr). Programme en main, on suit en six siècles, sept chapitres et trente-trois stations musicales l’ascension de la famille Borja de Valence devenue la dynastie Borgia en Italie. Une dynastie moins infréquentable qu’il n’y paraît : on croise deux papes (Calixte III et Alexandre VI), un saint (François), et une femme d’action en avance sur son temps (eh oui, Lucrèce). Chant arabe, chants d’église, fanfares guerrières, requiem, divertissements, actions de grâce se succèdent. Sur scène, dirigé de l’archet par Savall, l’ensemble Hesperion XXI est plus que jamais à géométrie variable. Impression générale : le melting pot culturel ne date pas d’hier, il a semé mort et merveilles. Hier soir, nous avons eu les merveilles.

François Lafon

mardi 13 septembre 2011 à 10h22

Hier, quarante-neuvième représentation de La Clémence de Titus à l’Opéra de Paris. L’ouvrage, aujourd’hui considéré comme un des « big seven » de Mozart, n’est entré au répertoire qu’en 1987. Le spectacle, signé Willy Decker, date de 1997. En 2005, il a été temporairement remplacé par une reprise de la production célèbre mais plus ancienne encore (Bruxelles - 1981) de Karl Ernst Hermann. Esthétiquement et dramatiquement, les deux se ressemblent, sauf que celle-ci est moins pertinente, moins mémorable : trop de jeux de scène parasites pour animer l’alternance air-récitatif. La distribution est de premier ordre : Klaus Florian Vogt (le Lohengrin de Bayreuth, vu sur Arte cet été), Stéphanie d’Oustrac, Hibla Gerzmava (une soprano grand format venue d’Abkhazie), sous la direction du spécialiste Adam Fischer. Le public applaudit sans excès, comme refroidi par le bloc de marbre au centre de la scène, qui devient un buste géant de l’empereur, et qui rappelle que La Clémence de Titus est un retour au vieil opera seria, alors que la musique, contemporaine de La Flûte enchantée, est du plus bouleversant Mozart.

François Lafon

Opéra National de Paris, Palais Garnier, les 15, 20, 23, 26, 30 septembre, 5 et 8 octobre.

vendredi 9 septembre 2011 à 10h15

Une reprise pour l’ouverture de la saison de l’Opéra de Paris. Une reprise, vraiment ? En 1994, le metteur en scène André Engel monte Salomé de Strauss. Honnête succès, deuxième série de représentations en 1996, puis plus rien. En 2003, nouvelle production, avec Karita Mattila, dans une mise en scène de Lev Dodine. Déception : on cherche l’illustre animateur du Théâtre Maly de St Pétersbourg dans ce vilain péplum à dominante jaune (la lune ?). Surprise : c’est la version Engel qui revient aujourd’hui. On y gagne. Sans être du grand Engel (Lady Macbeth de Mzensk, Cardillac, Louise), cette Salomé enfermée dans un somptueux palais-souk signé Nicky Rieti est plus originale qu’il n’y paraît : brouillage des époques (plus subtil que l’actualisation à tout faire qui sévit un peu partout), révision des stéréotypes (le prophète débarrassé de son look christique), effets pertinents (l’éclipse de lune). Formidable direction d’acteurs aussi : valse mortelle d’Angela Denoke (une Salomé de rêve : ah, ces notes « flottées »!) avec Stig Andersen, Hérode politique autant que concupiscent. A venir : La Clémence de Titus, monté par Willy Decker en 1997, remplacé un temps par la version célèbre de Karl- Ernst Hermann (1981). A l’opéra, l’histoire se répète. Tant qu’elle ne bégaie pas...

François Lafon

Salomé, Opéra National de Paris Bastille, 11, 14, 17, 20, 23, 26, 30 septembre.

 

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