Débuts à l’Opéra Bastille des Maîtres chanteurs de Nuremberg, la dernière représentation maison datant de 1989 au Palais Garnier, dans une mise en scène très politique d’Herbert Wernicke. Celle-ci, due à Stefan Herheim et venue de Salzbourg, n’exploite pas le filon « Saint Art allemand, opéra favori des nazis, etc. », ou plutôt l’exploite à rebours, montrant Wagner en pleine crise existentielle, rêvant d’une fête de la Saint-Jean shakespearienne façon Songe d’une nuit d’été et peuplant son intérieur Biedermeier de héros minuscules destinés à devenir très grands. Deux scènes clés : le charivari nocturne du 2ème acte, où Beckmesser se retrouve cerné par les sept Nains, le Chat botté et le Grand Méchant Loup, et l’apothéose finale, où Wagner/Hans Sachs dévoile son propre buste à côté de celui de Beethoven et salue en chemise et bonnet de nuit, fou génial offrant au monde la Musique de l’Avenir. La captation du spectacle à Salzbourg (voir ici) soulignait son aspect Magicien d’Oz et le parti pris caricatural de la direction d’acteurs. En grand large sur la scène de Bastille, avec une distribution renouvelée, c’est « l’effet clip-clap des images, où la magie côtoie l’onirisme » (dixit le programme) qui prévaut. Plateau vocal sans faute, avec en vedette le duo Gerald Finley/Sachs – Bo Skovhus/Beckmesser (Dr. Wagner-Jekyll et Mr. Wagner-Hyde), et surtout direction « musique de chambre » de Philippe Jordan (« Pourquoi les orchestres s’entêtent-ils à jouer fortissimo le do majeur de l’ouverture, quand Wagner l’annote seulement d’un forte ? ») accentuant le côté pré-straussien de cette « conversation en musique » pas si martiale que cela.
François Lafon
Opéra National de Paris Bastille, jusqu’au 28 mars. En différé sur France Musique le 30 avril
Photo © Opéra National de Paris