Au Châtelet, première française de Carousel, de Rodgers et Hammerstein, soixante-sept ans après sa création à Broadway. Curieux que cette célèbre version musical de la pièce hongroise Liliom, dont Fritz Lang a tiré en 1934 un film culte et … français (avec Charles Boyer et Madeleine Ozeray) ait mis tout ce temps à traverser l’Atlantique, ou tout au moins la Manche, puisque le spectacle est une coproduction avec Opera North (Leeds). A moins que cette version presque rose d’une histoire plutôt noire n’ait paru trop rose et trop noire en même temps, trop métaphysique et trop naïve. L’histoire du bonimenteur de foire qui meurt de façon crapuleuse et se voit proposer par l’administration céleste de revenir une journée sur terre pour réparer le mal qu’il y a fait est pour le moins édulcorée, et c’est pourtant ce côté mélo qui fonctionne le mieux : rien dans la mise en scène à la fois spectaculaire et toute simple de Jo Davies qui ne mène au happy end post mortem. Comme le chef et les chanteurs-acteurs sont impeccables, on oublie les tunnels du texte et la banalité de la musique – mis à part le tube « You’llnever walk alone » et la petite Carousel Waltz, étrangement prokofievienne –, sans pouvoir s’empêcher, quand même, de se demander ce que Liliom serait devenu si Puccini, Gershwin et Kurt Weill, qui s’y étaient intéressés, n’avaient cédé la place à l’entertainer Richard Rodgers.
François Lafon
Châtelet, Paris, jusqu’au 27 mars Photo © Richard Morgan