En montant
Les Noces de Figaro au Palais Garnier, la Britannique Netia Jones tente un essai que Christophe Marthaler lui-même n’avait que partiellement transformé en 2006 : ne pas disparaître dans l’ombre de la version « culte » de Giorgio Strehler, à l’affiche de 1973 à… 2012. De cette metteuse en scène/scénographe/vidéaste, on attendait (redoutait ?) une relecture déconstruite et militante, dans la lignée de Lotte de Beer au festival d’Aix-en-Provence (voir
ici) ou de Lydia Steier à Hanovre. Féminisme tout de même : «
Je me tiens sur une ligne très fine entre réalité et fiction », avait-elle déclaré. Promesse tenue en effet, entre «
Mise en abîme, se dit d’une œuvre qui en contient une autre de même nature » et «
Femme, réveille-toi » d’Olympe de Gouges.
Les Noces donc ou le jeu subtil de l’entre-deux : entre-deux époques, deux sexes, deux classes sociales, deux révolutions. Lieu du débat : un théâtre ... où l'on monte
Les Noces de Figaro, palais de l’illusion où se disent des choses réelles. Où nous emmène-t-on ? Un studio de danse, un plateau de télévision, une loge d’artiste, un atelier de costumes, une cabine de régie. Mais là où les relectrices précitées soulignaient, surlignaient et épaississaient le trait, Netia Jones suggère, déconcerte, fait rêver. Qui joue, qui regarde, où s’arrête le théâtre, y-a-t-il une vraie vie ? Une façon plus sûre de rejoindre Mozart. Cela avec un sens certain de la direction d’acteurs ! Un mouvement, un regard, un frémissement, une façon de claquer une porte (et il en claque beaucoup) suffisent à définir un caractère. Dans la fosse, Gustavo Dudamel part d’un même principe : si
Les Noces de Figaro est la quintessence de l’opéra, c’est parce que cette musique… parle. Et il la fait parler, quitte à faire prendre tous les risques à un orchestre qui en a vu d’autres. Quand la Folle journée se termine, en apesanteur sur un plateau nu où la Comtesse pardonne à son mari volage, apparaît… Non, ne
spoilons pas. Disons seulement qu’on sort heureux après avoir applaudi la troupe savamment composée, d’où se détachent le formidable duo Luca Pisaroni – Peter Mattei (déjà dans le
Don Giovanni « de » Michael Haneke sur la même scène), la non moins formidable Lea Desandre, Chérubin plus ado que nature, et la jeune Anna El Khashem, Suzanne au pied (presque) levé en cette période d’annulations forcées.
Opéra National de Paris – Palais Garnier, jusqu’au 18 février. En direct sur France.tv/Culturebox (3 février) et dans les cinémas. Ultérieurement sur France 5. En différé sur France Musique le 26 février (Photo © Vincent Pontet / OnP)