Mercredi 11 décembre 2024
Savall et le tourment beethovénien
Jordi Savall galvanise les quatre dernières symphonies de Beethoven
Beethoven Révolution Symphonies 6 à 9

Entre reports et annulations dus à la pandémie et malgré les quatre « Académies Beethoven » préparatoires depuis 2020 en Espagne, Allemagne, France, Italie, Portugal et Pologne, cette intégrale en concerts et sur disques aura été un véritable casse-tête pour Jordi Savall et son Concert des Nations ! Succédant à un premier volume rassemblant les symphonies 1 à 5 (voir ici), celui-ci poursuit son investigation d’une œuvre symphonique où est privilégié : « l’esprit de la musique de chambre, qui permet de donner le maximum d’attention à tous les détails de chaque partie instrumentale ou vocale, sans perdre de vue leur fonction dans la construction de la structurelle formelle de chaque mouvement ». Si ce n’est pas la première fois qu’on aborde Beethoven de cette manière et sur instruments d’époque, le résultat demeure bluffant avec un musicien d’une telle stature. Son interprétation de la 6ème sidère par l’esprit « pastoral » communiqué à tout l’orchestre dans l’expansion joyeuse des timbres. Menée par la danse – « Une kermesse endiablée » selon Friedrich Wieck –, la 7ème sursaute avec une jubilation égale – mouvements médians I et IV ! – et rappelle la version si spontanée enregistrée récemment avec succès par le Freiburger Barockorchester (voir ici), même si la retenue avec laquelle le chef ménage la marche lente de l’Allegretto peut surprendre, à moins que celle-ci ne soit que l’antichambre du brillant Presto qui suit… Tout empanachée de rythmes, la 8ème joue des muscles entre le mouvement saccadé des cordes et de cinglants roulements de timbales : le chef s’y révèle d’une invention tellurique. Dans l’hyperbolique 9ème, le Concert des Nations, renforcé par de jeunes et talentueux interprètes venus du monde entier, offre une interprétation vigoureuse qui fait merveille – Molto vivace –, mais qui manque parfois de profondeur – Adagio. Grave et implacable, le final est dominé par le « O Freunde » du baryton Manuel Walser et l’équilibre recherché entre les voix et l’orchestre. Une « Ode à la joie » tourmentée dont Jordi Savall est sans conteste le nouveau héros.
Franck Mallet

• Madrigaux de Monteverdi le 10 janvier à Toulouse (Capitole) ; "Tous les Matins du Monde" le 25 janvier à Massy (Opéra) ; "Orient Occident" le 19 mars à Dôle et le 20 mars à Martigny (Suisse) ; "Folia" le 19 mai à Paris (Musée d'Orsay).

Beethoven : Symphonies n° 6 en Fa majeur op. 68 "Pastorale" (1808), n° 7 en La majeur op. 92 (1811-1812), n° 8 en Fa majeur op. 93 (1812) et n° 9 en Ré mineur op. 125 (1822-1824)
Sara Gouzy (soprano), Laila Salome Fischer (mezzo-soprano), Mingjie Lei (ténor), Manuel Walser (baryton)
Chœur La Capella Nacional de Catalunya, Le Concert des Nations
Direction musicale : Jordi Savall
3 CD AliaVox AVSA 9946
2 h 50 min

mis en ligne le lundi 3 janvier 2022

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