Vendredi 26 avril 2024
Une belle couillonnerie
Un beau carnaval par Musica Nigella et Takénori Némoto
Poulenc, l'espiègle

Quel dommage que ces petits trésors ne soient pas aussi populaires que les mélodies de Berlioz, Fauré, Debussy ou Ravel ! Certes, plusieurs étaient réapparus sur disque au moment du centenaire de la naissance de Poulenc en 1999, mais depuis… Takénori Némoto, à la tête de son ensemble Musica Nigella, se plonge dans la première partie de l’œuvre du jeune compositeur dont il rappelle la double personnalité : « une gravité due à ses convictions religieuses et une malice d’un enfant des rues », d’où le titre bien vu de cet album « Poulenc, l’espiègle ». Tout ravit, de l’enchantement bariolé des Trois mouvements perpétuels (19818/1925) à la Rapsodie nègre de 1917, pochade chantée dans une langue exotique et dont la fraîcheur et la cocasserie n’ont d’égales que les délires visuels du surréalisme et de cubisme qui déferlent au cours de ces années-là autour de l’Art nègre. À noter que Stravinsky se chargea lui-même de faire éditer cette partition « scandaleuse », qualifiée à l’époque de « couillonnerie infâme » par le directeur du conservatoire de Paris. Le Bal masqué (1932) voit le mariage d’un accompagnement orchestral raffiné et d’une voix grave – idéal Didier Henry – avec « quelques poèmes extravagants de Max Jacob » (Poulenc), tandis que Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée 1919/1922) magnifie la verve satirique d’Apollinaire – dont la poésie se retrouve quelque vingt ans plus tard dans le livret de l’opéra bouffe Les Mamelles de Tirésias. Mis à jour par Madeleine Milhaud en 1993, le manuscrit de la version pour voix et ensemble des Quatre poèmes de Max Jacob (1921) dédié par un Poulenc âgé de 23 ans à Milhaud trouve là encore des interprètes attentionnés, tout comme cette autre précieuse rareté que sont les Deux marches et un intermède (1937) dans un style éminemment « poulencien », entre classicisme XVIIIe siècle… et bal musette. Un beau carnaval que ce « Poulenc l’espiègle » par Musica Nigella.   
Franck Mallet

Poulenc : Rapsodie nègre (1917) ; Trois mouvements perpétuels (1918/1925) ; Le Bestiaire ou Cortège d'Orphée (1919/1922) Valse (1919/1932) ; Suite Gendarme incompris (1921) ; Quatre poèmes de Max Jacob (1921) - Poulenc-Constant : Les Mariés de la Tour Eiffel, extr. (1921) - Poulenc : Le Bal masqué (1932) ; Deux marches et un intermède (1937) ; Les Chemins de l'amour (1940)
Didier Henry (baryton)
Ensemble Musica Nigella
Direction musicale : Takénori Némoto
1 CD Klarthe KLA 129
1 h 11 min

mis en ligne le samedi 6 novembre 2021

Bookmark and Share
Contact et mentions légales.
Si vous souhaitez être informé des nouveautés de Musikzen laissez votre adresse mail
De A comme Albéniz à Z comme Zimerman,
deux ou trois choses et quelques CD pour connaître.