Jeudi 28 mars 2024
Hors limites
Patricia Kopatchinskaja donne de la voix dans Schönberg
Pierrot Lunaire

Avec Patricia Kopatchinskaja, cela passe ou cela casse, au point que l’explosive violoniste en 2015 a dû un moment lâcher l’archet pour cause de tendinite. Or qu’a-t-elle fait de son temps libre ? Elle s’est entraînée au sprechgesang et a travaillé le Pierrot Lunaire de Schönberg, dont on se demande toujours s’il doit être plus parlé que chanté, ou le contraire. En voici le résultat, aussi déroutant que prévu. Oubliez l’historique Helga Pilarczyk (avec Pierre Boulez),  la classique Yvonne Minton (idem) ou l’agressive Christine Schäfer (re-idem), ou plutôt faites une synthèse de toutes les dames d’opéra qui se sont encanaillées et des Reines de la nuit qui se sont disciplinées à entrer dans l’univers cabaret-visionnaire des poèmes du Belge Albert Guiraud traduits en allemand et remodelés par Schönberg, ajoutez-y des souvenirs de Cathy Berberian déchaînée par son époux Luciano Berio (Sequenza III) et de Nina Hagen revenant à Kurt Weill du fond de sa punkitude, rappelez-vous que la créatrice du cycle, Albertine Zehme, était comédienne plutôt que chanteuse, et vous serez encore loin du compte. Car non seulement, d’une voix d’enfant qui pourrait être celle de Salomé demandant la tête de Jokanaan, PatKop, comme elle se surnomme elle-même, ne s’interdit aucune folie expressive, mais elle se dédouble au violon avec quelques formidables partenaires pour recréer un univers fou, opérant le prodige de ne jamais tomber dans l’arbitraire et rejoignant Stravinsky, lequel décrivait l’œuvre comme le « plexus solaire non moins que l'esprit de la musique du début du XXe siècle ». Pour aller plus loin dans ce sens, Kopatchinskaja violoniste et ses acolytes panachent Webern et Fritz Kreisler, Schönberg et lui-même adaptant la Valse de l’Empereur de Johann Strauss, faisant planer sur tout cela un sourire sardonique parfaitement en situation. 
François Lafon

Arnold Schönberg : Pierrot Lunaire ; Fantaisie pour violon et piano ; Six petites pièces pour piano op. 19 – Johann Strauss II : Valse de l’Empereur (adaptés par Schönberg) – Anton Webern : Quatre Pièces pour violon et piano op.7 – Franz Kreisler : Petite Marche viennoise
Patricia Kopatchinskaja (voix, violon), Meesun Hong (violon, alto), Julia Gallego (flûte), Reto Bieri (clarinette), Marko Millenovic (alto), Thoma Kaufmann (violoncelle), Joonas Ahnonen (piano)
1 CD Alpha-Classics Alpha 722 (Outhere)
1 h 13 min

mis en ligne le mardi 4 mai 2021

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