Vendredi 29 mars 2024
Spleens baroques
Andreas Staier se promène dans un sombre XVIIème siècle
... pour passer la mélancolie

Pas de mésentente entre la France et l’Allemagne en cette fin du XVIIème siècle : dans chaque pays, les maîtres du clavecin aiment rappeler la futilité de ce bas monde avec des tombeaux en musique, des lamentations et des sarabandes graves. Au siècle de Bossuet, des jansénistes et de La Rochefoucauld, la plainte est devenue un genre à part entière pour toute une génération de compositeurs. C’est un paysage musical et intellectuel comme Andreas Staier les aime et son programme est un vrai manifeste de cette esthétique de la désolation. Dans les suites de Clérambault ou d’Anglebert le claveciniste n’a pas besoin de noircir le trait pour faire ressortir le spleen, et son toucher souverain accentue encore cette austérité. Il y a certes un peu de place pour quelques fulgurances, comme une passacaglia d’enfer signée Muffat, qui de surcroît mettent en valeur le clavecin français de la fin du XVIIème siècle miraculeusement sauvé par le facteur Laurent Saumagnac. Mais c’est dans les suites de Froberger (superbe Lamentation sur la mort de l’empereur Ferdinand) et Louis Couperin (tombeau de M de Blancrocher), devenues presque des haïkus à force d’économie, que bat le cœur de ce programme. Cette ascèse n’est pas un obstacle au plaisir : ce florilège d’une sombre beauté est bel et bien l’un des plus beaux disques d’Andreas Staier.
Pablo Galonce

Froberger : Suite XXX ; Lamento pour la mort de Ferdinando IV - d'Anglebert : Fugue ; Prélude ; Tombeau de M. de Chambonnières ; Chaconne Rondeau - Fischer : Musicalischer Parnassus - L. Couperin : Suite - Clérambault : Suite - Muffat : Passacaglia
Andreas Staier (clavecin)
1 CD HMC 902143
1 h 15 min

mis en ligne le mardi 2 avril 2013

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