Vendredi 19 avril 2024
Rossini Opera Festival - 1
Un comte bien troussé
Le Comte Ory

Distingué pour la première fois au Rossini Pesaro Festival (ROF) en 1984 dans un spectacle de Pier Liugi Pizzi, repris ensuite à Venise et Milan, Le Comte Ory revient dans la ville natale du compositeur, inaugurant l’édition 2022 dans une nouvelle coproduction avec Bologne, sous la baguette de Diego Matheuz et dans une mise en scène signée Hugo de Ana. Créé à Paris en 1828 sur un livret de Scribe et Delestre-Poirson, cet « opéra buffa français » (Remy Stricker) ni opéra-comique ni grand opéra, qui conjugue avec joie travestissement, quiproquo, grivoiserie, humour, médiévalisme romantique… et réemplois de son auteur – principalement Il Viaggio a Reims –, a toujours eu les faveurs des amateurs de bel canto au sein du riche répertoire rossinien. L’ouvrage est donné au Vitrifrigo Arena, lieu pouvant accueillir plus de 10 000 supporters… de basket, inauguré en 1996 par un fameux récital de Pavarotti. Désormais dévolu alternativement au sport et à la musique, l’espace se trouve réduit pour l’opéra à un parterre flanqué d’immenses panneaux de bois. Sans fosse, l’orchestre ne doit pas ménager ses efforts pour parvenir à accompagner correctement les chanteurs. Celui de la RAI y parvient sans encombre, même si les chanteurs doivent s’adapter eux aussi à la situation : d’où ce soin d’une distribution sans faille. C’est le cas ce soir, avec dans le rôle-titre – fétiche – le ténor Juan Diego Flórez, directeur artistique du ROF depuis janvier dernier. Acclamé à Pesaro où il débuta en 1996, il est vaillamment entouré par une troupe constituée de l’excellente basse Nahuel Di Pierro en Gouverneur (de retour à Pesaro, où il fut Assur dans Semiramide, en 2019), de la mezzo Maria Kataeva en Isolier et dans le rôle de la Comtesse Adèle, la Française Julie Fuchs pour ses débuts à Pesaro, où elle reprend le personnage qui lui avait valu un certain succès à l’Opéra Comique de Paris, en 2017 (voir ici). La mise en scène qui se veut à l’image de l’ouvrage, gaie et colorée, combine avec habileté des tableaux en deux ou trois dimensions de Jérôme Bosch, notamment le célèbre Jardin des délices. Des diablotins lubriques et autres monstres fantastiques partagent la scène avec un chœur féminin aux costumes pimpants proches des Fleurs animées – ouvrages d’illustrations du XIXe siècle de Granville. Le monde animal croise celui des personnages de ce récit, dont le sujet est tiré d’une « ancienne romance picarde » : un fabliau ambigu et corrosif qui daterait du XVe siècle. À la suite des librettistes, Hugo de Ana épouse lui aussi l’esprit débridé de l’ouvrage, tels ces angelots roses avec encensoirs, ce Comte Ory aux mains baladeuses, qu’il soit travesti en ermite aux 1er acte ou fausse nonne au 2ème acte, ou encore ces Tables de la Loi empruntées à Moïse que l’ermite brandit avec frénésie. Rien d’outrancier pourtant dans ce spectacle qui manie l’humour avec finesse, comme au 2ème acte, le château où sont réfugiées celles qui attendent le retour des maris partis en croisade, devenu centre de remise en forme, avec ballons, hula hoop et séances yoga. Emmenés joyeusement par Juan Diego Flórez, les solistes comme le chœur – celui du Teatro Ventidio Basso –, jouent la comédie à fond et les acrobaties vocales qui émaillent la partition sont autant de pirouettes irrésistibles destinées au public. Chaque soliste eut son lot d’applaudissements au soir de cette première, mais, incontestablement, la Saint-Pétersbourgeoise Maria Kataeva fut la plus acclamée. Volcanique et passionné, son mezzo confère à son personnage d’Isolier, le page du Comte Ory, une présence superlative.
        Franck Mallet

Pesaro 9 août 2022 (photo @ DR)
• Prochaines représentations les vendredi 12, mardi 16 et vendredi 19 août (20h).  
• Enregistré Live le 9 août diffusé le samedi 13 août à 21h15 sur RAI 5.
• Exposition « Renata Tebaldi, ritratto di una diva » jusqu’au 18 septembre au Musée Rossini.

Rossini : Le Comte Ory
Juan Diego Flórez (Le Comte Ory), Andrzej Filonczyk (Raimbaud), Nahuel Di Pierro (Le Gouverneur), Julie Fuchs (La Comtesse), Monica Bacelli (Ragonde), Maria Kataeva (Isolier), Anna-Doris Capitelli (Alice)
Coro del Teatro Ventidio Basso, Orchestra sinfonica nazionale della RAI
Direction musicale : Diego Matheuz
Mise en scène : Hugo de Ana

mis en ligne le jeudi 11 août 2022

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