À Lyon, le nom de Laurent Pelly renvoie aux ouvrages d’Offenbach – plus de sept au compteur ! –, mais pas seulement : le metteur en scène y a aussi monté Donizetti, Chabrier, Bartok, Poulenc, ainsi que Le Comte Ory de Rossini avec un égal succès. Son Turc en Italie du même Rossini, coproduit avec Madrid et Tokyo, s’affiche à l’Opéra jusqu’au 29 décembre. « Affiche », c’est bien le mot, car l’intrigue de cette comédie sentimentale qui met en scène Donna Fiorilla, la jeune épouse, son mari, l’ancien amant, et le nouveau, le prince Selim, mais aussi Zaida, l’ancienne compagne du prince turc, sans oublier le poète Prosdocimo en manque d’inspiration – vous suivez…? – s’anime grandeur nature, placardée sur les murs du théâtre. Un gigantesque roman-photo à l’italienne (la « fotonovela ») de poses stéréotypées et de photographies géantes tenant lieu de décor. Plus qu’une trouvaille, un cadre idéal pour le burlesque de cet opéra bouffe, chacun y allant de sa scénette avec le comique qui caractérise chacun des personnage. Pelly, en amoureux du spectacle ne les caricature jamais, mais les costume – lui-même ! – avec élégance et, avec l’aide de sa fidèle Chantal Thomas, scénographe, il les fait virevolter au rythme haletant et virtuose du théâtre rossinien. Un vrai régal, d’autant que le plateau vocal est à la hauteur, entre la volage Fiorilla, la barcelonaise (et rossinienne) Sara Blanch qui, après un 1er acte où elle semble légèrement en retrait, triomphe au 2e acte, la Zaida pétulante de Jenny Anne Flory (soliste depuis 2024 du Lyon Opéra Studio, elle était déjà la Margret du Wozzeck de Berg en ouverture de saison), le Selim de la basse roumaine Adrian Sâmpetrean, chevalier blanc dépoitraillé dont on goûte autant la plastique vocale que l’agilité physique. À ses côtés, l’ancien amant de la belle, Don Narciso, le ténor Alasdair Kent, manque un peu d’expression et s’empêtre parfois dans la langue de Dante, tandis que le baryton Renato Girolami, qui retrouve son rôle de Don Geronio chanté il y a peu à Zurich, est formidable de tenue et d’humour en mari délaissé, mais peut-être, soyons chauvins, le baryton Florian Sempey en Poète (le seul conservé de la distribution madrilène de 2023) se distingue encore davantage dans cette distribution homogène par son charisme et son abattage. Les cheveux en bataille, pantoufles et robe de chambre verdâtre (Belmondo dans Le Magnifique de de Broca ?), l’écrivaillon déambule en maître de céans ubuesque, dialoguant avec les personnages de son hypothétique roman-photo. Il symbolise à lui seul ce Rossini farceur qui observe et cisèle son ouvrage, combinant avec un art exquis le mot et la musique. Dans la fosse, Giacomo Sagripanti, à la tête de l’Orchestre et des Chœurs, rythme à l’unisson le mouvement. Un sacré roman-photo à voir et à revoir !
Franck Mallet
• Lyon, Opéra, mercredi 11 décembre
• Représentations suivantes les dimanches 15 et 29 (16 h), mardi 17, jeudi 19, samedi 21, lundi 23 et vendredi 27 (20h) décembre
Photo – de gauche à droite, Florian Sempey, Alasdair Kent, Renato Girolami, Sara Blanch, Jenny Anne Flory et Adrian Sâmpetrean. (©) Paul Bourdrel
• Capté au Teatro Real de Madrid (Espagne) en 2023, l’ouvrage est sur Arte.tv à partir du 15/12 et diffusé à la télévision le 23/12 (1 h 20 du matin), avec Alex Esposito, Lisette Oropesa, Misha Kiria, Edgardo Rocha, Florian Sempey, Paola Gardina, Pablo Garcia-Lopez, Orchestre et Chœurs du Tetro Real, dir. Giacomo Sagripanti, Laurent Pelly (mise en scène).
Le Turc en Italie
Adrian Sâmpetrean, Sara Blanch, Renato Girolami, Alasdair Kent, Florian Sempey, Jenny Anne Flory et Filipp Varik
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon
Direction musicale : Giacomo Sagripanti (excepté les 27 et 29/12 : Clément Lonca)
Mise en scène : Laurent Pelly , Chantal Thomas (scénographie)
mis en ligne le samedi 14 décembre 2024