Vendredi 19 avril 2024
Préhistoire et boyau
Un programme de quatuors original, surprenant et convaincant
'Tis too late to be wise - Quatuors à cordes avant le quatuor à cordes

Vers 1760, quand Haydn et Boccherini s’y mettent, le quatuor à cordes est un genre nouveau. Ils en sont en quelque sorte les fondateurs. Le quatuor se définit alors comme un ouvrage à quatre parties (voix) réelles sans basse continue, pour quatre instruments à cordes de la même famille, traitant ces instruments avec une dignité égale, écrit dans un style de chambre et (critère essentiel) adoptant les principes de ce qu’on baptisera au XIXème siècle «  forme sonate ». Il ne suffit pas à une œuvre de faire appel à deux violons, un alto et un violoncelle pour être un ancêtre du quatuor à cordes. On peut à la rigueur l’admettre, et construire, comme ici, un programme original, à la fois surprenant et convaincant. Nous sont offerts en l’occurrence d’une part des pièces anglaises du XVIIème siècle, d’autre part, au centre, un quatuor de Haydn. Les sonates posthumes à quatre parties de Purcell font appel à la basse continue, mais comme d’autres pages du compositeur, dont le fameux « Fairest Isle » du Roi Arthur,  supportent le quatuor à cordes. On en trouve ici sept, ainsi qu’une page de John Blow et plusieurs de Matthew Locke. Haydn ne détonne pas dans cet entourage, ce à quoi sans doute ne serait pas parvenu Mozart le mélodiste. Il faut dire que le choix (l’opus 71 n°2 de 1792), qui bénéficie d'une interprétation de haut vol, est judicieux. La tonalité de ce quatuor (ré majeur) est celle de la sarabande de Locke à laquelle il s’enchaîne, et il est d’écriture particulièrement ramassée et pointue. Du XVIIème siècle à la fin du XVIIIème, on n’éprouve pas à l’écoute de rupture irrémédiable, d’autant que le côté pointu du discours est renforcé par l’utilisation de cordes en boyau, auxquelles fait référence le vocable Kitgut du quatuor d'interprètes.
Marc Vignal

Œuvres de Henry Purcell, Matthew Locke, John Blow et Joseph Haydn
Quatuor Kitgut : Amandine Beyer, Naaman Sluchin, Josèphe Cottet, Frédéric Baldassare
1 CD Harmonia Mundi HMM 902313
54 min

mis en ligne le jeudi 6 février 2020

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