Jeudi 25 avril 2024
Passage de la ligne
Sandrine Piau s’impose là où l’on ne l’attendait pas
Clair-obscur

« Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » : c’est via les mots d’Antonio Gramsci (Cahiers de prison), que Sandrine Piau nous fait entrer dans un univers où l’on ne l’attendait pas, celui du passage de la ligne entre le jour et la nuit, mais aussi de l’ancienne musique à la nouvelle, là où Alexander von Zemlinsky convoque encore la Lorelei (Waldgespräch), où Alban Berg  s’attarde à la lisière du romantisme (Sept Lieder de jeunesse), où Richard Strauss (Quatre derniers Lieder), fait durer le plaisir  (1949, année symbolique ou Pierre Boulez termine sa radicale 2ème Sonate pour piano). Mot clé de ce voyage intérieur : « Und » (« et »), avec lequel, dans Morgen, Strauss (encore) fait entrer la voix comme par effraction dans le flot orchestral, au milieu d’une phrase, au cours d’une idée. Contrairement à l’habitude, ce n’est pas sur le moelleux vocal autant qu’instrumental que tablent Sandrine Piau et le chef Jean-François Verdier, mais sur une grande netteté, voire un certain dépouillement : diction limpide et timbre épanoui (quelle évolution pour la championne du baroque !), tempos mesurés et effets orchestraux intimistes (excellent Orchestre Victor Hugo Franche-Comté). Cela fait mouche dans Berg et Zemlinsky, c’est plus déroutant dans Strauss, où Morgen est une aube plus claire qu’obscure, et où les Quatre derniers Lieder sont finement contrastés, au prix cependant d’un léger déficit de sensualité. 
François Lafon

Alexandrer von Zemlinsky : Waldgesprächt – Richard Strauss : Morgen ; Meinem Kinde; Vier Letzte Lieder ; Malven  - Alban Berg : Sieben Frühe Lieder
Sandrine Piau (soprano)
Orchestre Victor Hugo Franche-Comté
Direction musicale : Jean-François Verdier
1 CD Alpha-Classics Alpha 727 (Outhere)
50 min

mis en ligne le jeudi 18 mars 2021

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