Vendredi 29 mars 2024
Mystère et paradis
Cecilia Bartoli chante de manière sublime les airs de Steffani
Mission

Avant même de se faire entendre, Cecilia Bartoli commence par se faire voir, c’est dorénavant la règle. Elle s'est confondue avec la Malibran, prise pour une statue de marbre à l‘époque des castrats, prélassée dans un environnement de bulles, et la voici crâne rasé, col romain et crucifix au poing, comme pour un remake de L’Exorciste, tandis que le clip qui accompagne la sortie de cet album semble annoncer un avatar de Da Vinci Code. Il faut dire que le sujet s’y prête : Agostino Steffani, dont elle interprète ici des airs d’opéra, a mené, plus souvent en Allemagne que dans son Italie natale, une vie mystérieuse de prêtre, compositeur, éminence grise et vaticane, espion et diplomate, avant de disparaître de manière énigmatique en 1728 à Francfort à l’âge de 74 ans. Pour quelqu’un comme Cecilia Bartoli qui aime l’Histoire et les histoires, le théâtre et les secrets, les individus à la marge et le travestissement, Agostino Steffani est un personnage idéal, et la Mission qu’elle s’est assignée est d’explorer à la fois l’existence et l’œuvre de ce musicien oublié qu’elle qualifie de chaînon manquant entre Monteverdi et Vivaldi. Une fois passée la mise en scène, on écoute et là… Enfin ! Enfin revoilà la grande Bartoli, celle qui ne se contente pas de roucouler en virtuose – ce qu’elle fait très bien, d’ailleurs – mais qui sait créer la tension et la poésie, la langueur, la tendresse et l’émotion. A croire que ce répertoire était fait pour elle et inversement, elle chante la passion, les peines d’amour et les accidents du destin de manière totalement prenante, ses duos avec Philippe Jaroussky sont envoûtants et l’accompagnement de Diego Fasolis et des Barocchisti est parfait.
Gérard Pangon

PS : Cecilia Bartoli a raconté ce qu’elle savait d’Agostino Steffani à son amie Donna Leon, romancière américaine qui vit à Venise, laquelle en a tiré Les Joyaux du Paradis à paraître le 3 octobre.

Airs de Alarico in Baltha, Servio Tullio, Niobe regina di Tebe, Tassilone, I trionfi del fato, Arminio, La superbia d’Alessandro, La libertà contenta, La lotta d’Ercole con Acheloo, Le rivali concordi, Henrico Leone, Marco Aurelio
Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), avec Philippe Jaroussky (contre-ténor)
I Barocchisti, Coro della Radiotelevisione svizzera
Direction musicale : Diego Fasolis
1 CD Decca 478 47 32
1 h 20 min

mis en ligne le lundi 24 septembre 2012

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