Jeudi 6 février 2025
L’Or du Rhin de Paris déçoit

Commandé en 2020 au metteur en scène Calixto Bieito, puis suspendu pour cause de pandémie, le nouveau Ring de l’Opéra de Paris ne sera donc pas donné en bloc au cours d’une seule saison, mais décliné sur plusieurs… Actualisation oblige, l’Or devenu banque de données numériques, est conservé dans un coffre qui n’est autre que le futur Walhalla construit par les géants Fafner et Fasolt. Ainsi, les deux premières scènes se passent devant un immense mur de métal qui réduit l’espace à une bande étroite à l’avant-scène, avec un canapé géant se prélassent les dieux. D’inévitables projections vidéos animent la scène 1 tandis que des lumières clignotent pour simuler un ordinateur géant. Nous sommes à l’opéra et pourtant tout se passe sans profondeur, en deux dimensions. Dans la fosse, Pablo Heras-Casado, qui vient d’achever sur quatre saisons un Ring au Teatro Real de Madrid et dirigera le prochain à Bayreuth en 2028, semble le plus légitime des chefs actuels pour cette nouvelle production ; à la tête du magnifique Orchestre de l’Opéra de Paris, il joue du contraste et détaille les finesses de la partition, mais la dynamique retombe parfois et manque de relief, excepté lors des moments clés instrumentaux comme la vague sonore du début, l’arrivée des géants, ou la descente dans le monde des Nibelungen. Il a néanmoins fort à faire avec un plateau vocal disparate, entre une superbe Ève-Maud Hubeaux en Fricka, cinglante, altière et vénéneuse, l’Albérich bien sonore de Brian Mulligan, le Mime hargneux et roublard de Gerhard Siegel et le Donner profond de Florent Mbia, face à un Loge (Simon O’Neil) et des géants (Kwangchul Youn, Fasolt et Mika Kares, Fafner) en service minimum et le Wotan épuisé mais bon comédien de Ian Paterson – ce jour-là, annoncé souffrant, il maintient honorablement sa présence, mais sera « doublé » lors de la scène finale par le baryton Brian Mulligan.

Ici ou là, quelques idées judicieuses : le funeste anneau doré devenu collier qui passe de cou en cou – Alberich, Wotan, Fasolt, Fafner –, un Golem de chair (?) agité de soubresauts et porté tel un fardeau par Alberich ou le soin minutieux apporté aux costumes, comme si le metteur en scène nous confiait sa galerie de poupées Barbie préférées : le cow-boy (Fafner), le bureaucrate (Fasolt), la rosière (Freia), la femme fatale (Fricka), la pythie (Erda), les plongeuses (Les Filles du Rhin) ou encore le pénitent (Froh). On attendait plus d’une telle personnalité d’aujourd’hui – mémorables Lear en 2016 et Exterminating Angel en 2024 pour ce même Opéra de Parisque cet Or du Rhin sans grande envergure, comparé à ceux plus marquants des productions récentes de La Fura dels Baus (Palau de les Arts Reina Sofia/Valencia/2007), de Robert Lepage (Metropolitan Opera/New York/ 2010) et du vétéran Achim Freyer (Nationaltheater/Mannheim/2013) à revoir en ligne et / ou en DVD. Calixto Bieito se réveillera-t-il la saison prochaine avec l’emblématique Walkyrie ? À suivre.

Franck Mallet
 
Paris, Opéra Bastille, le 2 février. Photo : © Hervig-Prammer OnP
De gauche à droite : Mika Kares (Fafner), Kwangchul Youn (Fasolt), Iain Paterson (Wotan), Simon O’Neil (Loge), Ève-Maud Hubeaux (Fricka), Matthew Cairns (Froh) et Florent Mbia (Donner)
 
• Prochaines représentations les 5, 8, 11, 14 et 19 février

Wagner : L'Or du Rhin

mis en ligne le mercredi 5 février 2025

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