Hier, à Paris, les polissonneries du
Comte Ory, avant-dernier opéra français de Rossini (voir
ici), deux ans après son
Guillaume Tell (ultime opéra), sur la scène de Covent Garden, dans sa version originale française, qui nous arrive maintenant. Un grand spectacle, « raboté » de quarante minutes (!), si on le compare aux quatre heures de la récente production de Graham Vick, pour le Festival Rossini de Pesaro (2013) reportée en DVD (voir
là) ! Disons-le tout net : lecteur de Schiller, dont est tiré le livret, amateurs de forêt et de héros romantiques, passez votre chemin, car ici, sous la houlette du metteur en scène Damiano Michieletto, nous sommes dans un monde contemporain, où le passé helvétique a été gommé au profit d’un peuple de migrants (réfugiés ?) tyrannisé par des soldats. Pourtant, dès l’ouverture avec Antonio Pappano à la tête des forces du Royal Opera House, nous étions plongés avec délice dans le tourbillon rossinien, avant que le rideau ne se lève sur Jemmy, (la soprano Sofia Fomina), gamin joufflu et fils de Guillaume Tell… qui joue avec des soldats en plastique. Image, certes symbolique de ce qui va se dérouler, mais d’une banalité extrême comparée aux somptuosités de l’orchestre. Le reste du spectacle est à l’avenant, les protagonistes foulent de la « vraie » terre répandue sur un plateau encombré de cette esthétique de supermarché, du moins au 1er acte : éclairage aux néons, mobilier cheap et l’ordinaire de ces soldats que le petit écran nous passe déjà en boucle, etc. Au 2ème acte, le déracinement du peuple est illustré par un arbre géant, couché théâtralement sur la scène. Atmosphère aussi sombre au 3ème acte : l’arbre est toujours là, à l’arrière-plan, et l’occupant est de retour, ayant troqué son noir treillis pour un costume gris d’officier (forcément) veule, et violeur – que Michieletto scénographie sur rien de moins que le célèbre « Pas de deux » (…). 4ème acte idoine : l’arbre est toujours là, et les migrants, révoltés, sont torse nu – mais armés de mitraillettes, tout de même. Beau final, irradié par un soleil jetant les feux d’une liberté retrouvée, au travers des branches… de l’arbre – qui, tel Jésus, s’élève au-dessus des hommes, tandis qu’un enfant plante une nouvelle pousse (gloups !). On l’aura compris, ce
Guillaume Tell vaut surtout pour sa partie musicale grâce à une direction dynamique et toujours renouvelée. À subir ce spectacle plombé, les chanteurs ne sont pas à leur meilleur, exceptés le Tell de Gerald Finley, chanteur investi et comédien aguerri, et l’Arnold idoine de John Osborn – qui a besoin de tout le 1er acte pour se chauffer, mais la suite est à la hauteur du rôle ! Dommage que le soprano de Malin Byström soit si rigide, car elle convainc en Matilde. Si le chœur, parfait et omniprésent, ne sait pas très bien quoi faire sur scène, la réalisation de Jonathan Haswell gomme cet aspect, passant du détail au plan général avec soin.