Vendredi 19 avril 2024
Festival d’Aix-en-Provence 1
Madrigaux et Lamenti dans la galaxie Monteverdi
Combattimento, la théorie du Cygne noir

Privés de festival d’Aix en 2020 ? Qu’à cela ne tienne, l’édition 2021 met les bouchées doubles. Comme un prélude intimiste : Combattimento, la théorie du Cygne noir au Théâtre du Jeu de Paume, sorte de pendant au Requiem de Mozart réimaginé par Romeo Castellucci et Raphaël Pichon à l’Archevêché en 2019 (voir ici). Pas étonnant : Sylvia Costa, la maître d’œuvre, fait partie du premier cercle castelluccien. Sujets : la vie, l’amour, la mort. Matériaux : Le Combat de Tancrède et Clorinde de Monteverdi, prototype d’une nouvelle expressivité, entraînant à sa suite des pièces de Tiburtio Massaino, Francesco Cavalli, Tarquinio Merula, Giacomo Carissimi, Luigi Rossi, très connus et moins célèbres réunis. La voilà la théorie du cygne noir, échafaudée par le statisticien Nassim Nicholas Taleb, qui veut qu’un événement imprévisible ait des conséquences immenses, l’assassinat de François-Ferdinand à Sarajevo impliquant la première Guerre mondiale par exemple, ou… le génie de Monteverdi inaugurant quatre siècles d’opéra. Une gageure : dans le Combattimento, on entend galoper les chevaux, siffler les épées, pleurer le héros assassin de sa belle – triomphe de la musique imitative – sans avoir besoin d’images autres que mentales. Avec Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances, avec son dramaturge Antonio Cuenca Ruiz, Sylvia Costa convoque pourtant en images ce « monde nouveau qu’il s’agit de bâtir sur les ruines du précédent ». Des images forcement redondantes (la mort ? Un cercueil en scène), sans les outrances, mais aussi sans les fulgurances propres à Castellucci, lesquelles balayent les naïvetés, arrivent même à les magnifier. Musiques souvent somptueuses, mais pâtissant du voisinage avec le fulgurant Combattimento et dont l’enchaînement frôle la monotonie, en dépit du grand talent des interprètes, la phénoménale contralto Lucile Richardot en tête, et de la finesse avec laquelle Daucé et ses musiciens soulignent les battements d’ailes de ce cygne noir entraînant la musique dramatique vers une nouvelle expressivité. 
François Lafon 

Aix-en-Provence, Théâtre du Jeu de Paume, jusqu’au 18 juillet (Photo © Monika Ritterhaus)


Monteverdi : Il Combattimento di Tancredi e Clorinda - Airs de Tarquinio Merula, Luigi Rossi, Tiburtio Massaino, Francesco Cavalli, Giacomo Carissimi
Valerio Contaldo, Lucile Richardot, Julie Roset, Etienne Bazola, Nicolas Brooymans, Caroline Weynants, Antonin Rondepierre, Blandine de Sansal, Justine Assaf-Hausfater
Ensemble Correspondances
Direction musicale : Sébastien Daucé
Mise en scène : Sylvia Costa

mis en ligne le dimanche 11 juillet 2021

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