Vendredi 29 mars 2024
Écrin trompeur
Étranges miscellanées pour le premier album solo de Sarah Aristidou
Æther

Un programme réunissant Thomas, Debussy et Poulenc aurait eu un certain sens, compte tenu des extraits choisis, mais la jeune soprano colorature Sarah Aristidou a conçu un tout autre projet pour son premier album en solo, souhaitant : « évoquer la quête intérieure qui rappelle celle de l’Éther et que les héroïnes de cette tessiture [soprano colarature] dite « céleste » semblent toutes vivre. » Ainsi, l’oreille passe du Grand sommeil noir de Varèse à un fragment du Stabat Mater de Poulenc, puis avec détour par un air doloriste de Lakmé de Delibes (« Sous le ciel étoilé »), il s’agit de suivre une aimable chanson traditionnelle suédoise, accompagnée à la guitare par Christian Rivet. Plus tard, retour à Lakmé, avec le célèbre Air des clochettes, dont les belles envolées lyriques s’enchaînent… au Rossignol de Stravinsky : orientalisme, certes… mais l’orchestre du Russe est autrement mieux troussé que celui du Français – et que dire d’un extrait de La Tempête de Thomas Adès qui, à la suite de Stravinsky, apparaît comme un banal suiveur avec quelques effets de manche néo-sériels, ou encore de cette frustration de n’entendre que deux minutes de Pelléas et Mélisande ? Les qualités vocales de la chanteuse rachètent en partie ce balayage sonore, unifiant d’un suraigu impressionnant comme d’un grave généreux l’air d’Ariel de La Tempête et dynamitant l’ample vocalise Labyrinth V écrite à son intention par Jörg Widmann (né en 1973) – qui, dans cet air de la folie d’un nouveau genre entre rire, abattement et démence, repousse les frontières de l’art vocal de Berio. Poulenc manque curieusement d’engagement et l’extrait d’Il Trionfo del Tempo de Haendel est d’une sagesse précieuse. Il n’empêche que les musiciens réunis pour l’occasion sont un écrin prestigieux à une personnalité en devenir – elle figure sur la liste Révélation artiste lyrique des Victoires de la Musique de mars 2022 –, de Daniel Barenboim au piano à Emmanuel Pahud à la flûte – superbe duo dans Udo Zimmermann ! – jusqu’à l’Orchester des Wandels qui rassemble la fine fleur des formations allemandes.   
Franck Mallet

Varèse : Un grand sommeil noir - Widmann : Labyrinth V + extraits d'œuvres de Poulenc, Delibes, Thomas, Debussy, Stravinsky, Adès, Haendel et Zimmermann
Sarah Aristidou (soprano), Emmanuel Pahud (flûte), Daniel Barenboim (piano), Christian Rivet (guitare)
Orchester des Wandels, Chor der KlangVerwaltung
Direction musicale : Thomas Guggeis
1 CD Alpha-Classics Alpha 781 (Outhere)
1 h 06 min

mis en ligne le mercredi 12 janvier 2022

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