Vendredi 19 avril 2024
Copier-coller
René Jacobs réinvente Le Freischütz à sa façon
Der Freischütz

Fort de l’intérêt suscité par ses Mozart (en particulier La Flûte enchantée - voir ici) sous forme de Hörspiel (pièce radiophonique), théâtre pour oreille fortement dramatisé quoique (ou parce que) réalisé en studio (ce qui ne se fait plus guère), René Jacobs va plus loin avec Le Freischütz de Weber, matrice de l’opéra « purement » allemand sur un terrain préparé par Mozart (L’Enlèvement au sérail, La Flûte enchantée) et Beethoven (Fidelio). Il va tellement loin qu’il remanie le texte (toujours d’après les sources…) et restitue une scène introductive (après la célèbre ouverture) écrite par le librettiste Kind mais omise par Weber entre l’héroïne Agathe et l’Ermite salvateur, opérant là un montage pour le moins hardi. Une façon, dit-il, de « défendre le poète face au compositeur ». Il va même jusqu’à imaginer des numéros manquants sur des thèmes de Weber… ou de Schubert ! Une façon aussi, selon son habitude, de remettre les pendules à l’heure : si allemand que cela, Weber, célébré en cela par Wagner ? Décapage dramatico-musical donc – avec un Freiburger Barockorchester à sa main -, replaçant l’ouvrage dans son contexte originel : articulations marquées et tempos rapides, sur-dramatisation sonore (les cors du fameux « Chœur des chasseurs » en meute aboyante), mise en avant des clins d’œil du compositeur à des genres savants ou populaires, plateau vocal « d’époque », c’est-à-dire exempt des voix wagnériennes forcément anachroniques ayant plus tard squatté ce répertoire. Il a réuni pour cela une troupe sans vedette mais disciplinée à l’extrême, aussi attentive au texte qu’à la musique, ne cherchant pas à rivaliser en splendeur vocale avec les stars peuplant la discographie de l’ouvrage. On ne se privera donc pas de réécouter les somptueux enregistrements « traditionnels » signés Joseph Keilberth ou Carlos Kleiber, tout en admirant l’habileté de Jacobs dans l’art d’emprunter des sentiers qui bifurquent pour mieux atteindre le coeur de l’œuvre. 
François Lafon

Der Freischütz
Yannick Debus (Ottokar, Kilian), Matthias Winckhler (Kuno), Polina Pasztircsák (Agathe), Kateryna Kasper (Ännchen), Dimitry Ivashchenko (Kaspar), Maximilian Schmitt (Max), Christian Immler (L'Ermite), Max Urlacher (Samiel)
Zürcher Sing-Akademie, Freiburger Barockorchester
Direction musicale : René Jacobs
2 CD Harmonia Mundi HMM 902700.01 - 90 (digital)
2 h 13 min

mis en ligne le jeudi 5 mai 2022

Bookmark and Share
Contact et mentions légales.
Si vous souhaitez être informé des nouveautés de Musikzen laissez votre adresse mail
De A comme Albéniz à Z comme Zimerman,
deux ou trois choses et quelques CD pour connaître.