Aux Editions M.E.O, Ciel avec trou noir, de Caroline Alexander. Un puzzle autobiographique en forme d’énigme, ou comment d’Allemagne en France via la Belgique et l’Angleterre, une enfant juive traverse le « trou noir » du nazisme pour se reconstruire en comédienne, puis en écrivain et critique de théâtre et de musique. Une figure du métier, comme on dit. Tout autant que le théâtre, la musique structure le récit : forme sonate (thème A, thème B, retour du A), chromatisme et diatonisme (1989 : pèlerinage au lieu de naissance ; 2007 : pose de « stolpersteine », ou pierres du souvenir ; 2011 : voyage à Auschwitz). Pas de sensiblerie, une certaine distance, de l’humour même, et un humour finement référentiel, comme l’envahissement par le prélude de Tristan et Isolde de l’étrange mini-librairie nichée dans le théâtre de l’Ambigu (remplacé en 1966 par un immeuble de bureaux), tenue par un pétainiste astrologue (sic) découvrant dans le thème de l’auteur le trou noir qui donnera son titre au livre. Non moins évocateur ce cycliste chasseur d’autographes faisant son entrée au son de la "Chevauchée des Walkyries", et cherchant le théâtre (nous sommes an 1964) où Maria Casarès joue La Reine verte de Maurice Béjart et Pierre Henry. « Il y aura hélas encore des multitudes de façons d’aborder le thème où le vingtième siècle s’est englouti », remarque dans sa préface l’écrivain belge Pierre Mertens (auteur, entre autres, du livret de l’opéra La Passion de Gilles, musique de Philippe Boesmans). Le mal par le mal, Wagner en guise de vaccin, n’est peut-être pas la pire.
François Lafon
Ciel avec trou noir, par Caroline Alexander. Préface de Pierre Mertens. Editions M.E.O, 240 p., 20 €