Jeudi 25 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Verbatim, Patrice Chéreau
lundi 17 janvier 2011 à 09h47

« On ne part pas d’une conception. On n’analyse pas le texte pour arriver à une conception. Je n’ai pas de conception. Je ne suis pas à ce point prétentieux. J’essaie de voir quel est le matériau que j’ai dans les mains. J’essaie de l’analyser et d’en tirer des conséquences. La réponse que je fais toujours quand on me dit : « C’est tellement nouveau ! », c’est : « Non, c’est ce qui est écrit dans le texte ».
« Il y a un plus grand orgueil à analyser correctement ce qui est écrit qu’à l’interpréter. Quand je dis : « C’est écrit dans le texte », ce n’est pas pour me retrancher derrière. Eventuellement, c’est pour le plaisir de surprendre les gens qui ne l’avaient pas lu exactement de cette façon-là, et ça, c’est mon orgueil, l’orgueil d’avoir analysé le texte correctement et de me servir uniquement des mots qui sont écrits et de la musique qui est écrite. »
« Je pars d’une analyse du texte et de ses différentes composantes, étayée par les connaissances que j’ai essayé d’acquérir. Mais ce qui serait ma pure interprétation est beaucoup moins intéressant que la compréhension que j’acquiers du texte que j’ai sous les yeux, du matériau que j’ai à travailler, en essayant de régler ce problème : comment fabriquer cet objet, qui est un spectacle, avec le texte que j’ai et pas avec un autre que je m’inventerais. »
« Quelquefois, un concept n’entre pas dans la mise en scène. Il reste à l’extérieur. Un concept, une conception, comme toute interprétation, doit s’incarner dans les mots et produire des évidences, ou pas. »
« A partir du moment où tu te concentres sur des symboles, tu n’as plus besoin de te fonder sur le texte. Tu te fondes sur ce que tu inventes, et le texte n’est plus utilisé que pour justifier ta mise en scène, ta propre interprétation. C’est la même chose avec la musique. On ne peut pas faire cela. Je n’ai jamais mis en scène des symboles, je ne sais pas ce que c’est. Je mets en scène des personnes, des corps véritables, leurs dialogues, leurs discussions. »
Extraits de : Daniel Barenboim-Patrice Chéreau, dialogue sur la musique et le théâtre, Tristan et Isolde, chez Buchet-Chastel, à propos du spectacle donné à la Scala de Milan en 2007 (DVD chez Virgin Classics).
Avis aux amateurs de regietheater sauvage. Comme dit le maestro Stanislas Lefort - alias Louis de Funès -, dirigeant Berlioz dans La Grande Vadrouille : « J’ai ma conception personnelle de l’oeuvre, moi ! »

François Lafon
 

 

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