Le baryton russe Evgeni Nikitin ne chantera pas le Hollandais dans Le Vaisseau fantôme le 25 juillet pour l’ouverture du festival de Bayreuth. Aphonie ? Mésentente avec le chef Christian Thielemann ? Non, tatouage : une croix gammée, visible sur un document diffusé par une chaîne de télévision allemande et relatant le passé de batteur de rock du chanteur. Le plus curieux est que Nikitin avait fourni l’année dernière au festival une documentation photographique sur ses décorations cutanées - célèbres dans le métier -, probablement en vue d’une utilisation par le jeune metteur en scène Jan Philipp Gloger. « Une croix gammée en Russie dans les années 1990 n’avait pas la même signification qu’en Allemagne en 2012 », a déclaré à sa décharge l’auteur et éditeur russe Anastasia Boutsko. « Une croix gammée est rédhibitoire, et pas seulement à Bayreuth », a répondu Christian Thielemann, reprochant par ailleurs à l’agent de Nikitin de ne pas avoir averti son client du scandale auquel il s’exposait. Au tournant des années 1980, le baryton afro-américain Simon Estes avait été admis à chanter Le Vaisseau fantôme sur la Colline sacrée, mais s’était vu refuser le rôle de Wotan : un Roi des dieux noir, c’était encore trop pour l’époque. Bayreuth n’a toujours pas fini de régler ses comptes avec son passé.
François Lafon
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