Dans son livre Fugue pour violon seul, le violoniste Tedi Papavrami raconte sa vie d’exilé de l’Albanie d’Enver Hoxha. Une énième biographie au ton dickensien, ou comment le talent et la volonté parviennent à infléchir un destin particulièrement chargé ? Oui et non. La photo de couverture - que l’on retrouve sur le coffret de six CD Violon seul édité par Zig-Zag Territoires -, le montre de face, l’œil fixant l’objectif, tenant comme un stylo un violon miniature. Mystère revendiqué, ou promesse de tout dire, de ne rien nous épargner ? Les deux, bien sûr. Papavrami écrit comme il joue (on peut penser qu’il écrit lui-même, étant traducteur en français de son compatriote Ismaïl Kadaré), sans fioritures ni effets de manche, avec une certaine hauteur, voire une certaine froideur, diront ceux qui confondent expression artistique et déballage personnel. Son récit ne nous épargne rien en effet, ni de ses malheurs ni de ses états d’âme, et pourtant il est savamment distancié, difficilement récupérable par les professionnels de la larme à l’œil. Crédible donc, avec même une certaine valeur littéraire. Dans la version numérique du livre, certains chapitres se terminent par un morceau à écouter : la Sonate pour violon seul de Bartok pour « Aperçus de l’autre monde » (l’Ouest), la Chaconne de Bach pour « Seul à Paris ». Même chose pour la version papier, avec flash codes à scanner sur smart-phone. La preuve par la musique, comme pour préciser encore le propos.
François Lafon
Tedi Papavrami, Fugue pour violon seul, Robert Laffont, 317 p., 21€ - Tedi Papavrami, Violon seul (Bach, Paganini, Bartok, Scralatti, Ysaÿe), coffret de 6 CD Zig-Zag Territoires