Vendredi 29 mars 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Sur Twitter, les Wagner n'ont plus de secrets
lundi 23 août 2010 à 09h17

Nom : Cosima Wagner. Domicile : Bayreuth. Biographie : fille illégitime, muse d'un génie, épouse et mère dévouée. Voici en quelques lignes la carte d'identité de la deuxième épouse de Richard Wagner sur Twitter, ce réseau social où vous déposez des messages très courts (140 caractères maximum, format SMS) que vos amis peuvent lire sur Internet ou sur leur téléphone portable. Bien sûr, Wahnfried, la maison des Wagner à Bayreuth, ne disposait pas d'une connexion à Internet à la fin du XIXè siècle. Mais sur Twitter, rien ne vous empêche de prendre l'identité d'un personnage historique (ou de fiction, pourvu qu'il ne soit pas protégé par des droits d'auteur) et de mettre en ligne son Journal. Celui de Cosima Wagner est l'un des plus passionnants qui soient. Une épouse peut après tout écrire des choses sur son génie de mari qu'aucun biographe ne devinerait, et dévoiler ses petites manies ou ses grandes qualités. « R » est un père attentif, qui aime jouer avec ses enfants et s'inquiète pour leur avenir, qui fait plaisir à sa femme en jouant des passages de Tristan au piano tandis qu'elle lit le livret, ou fait une simple promenade dans le bois. Mais la fille de Franz Liszt n'oublie jamais de noter les réflexions de R sur la musique et les arts : « Après-midi avec R, joué deux symphonies de Haydn, pendant lesquelles il note que, en matière de forme, Haydn est un maître plus grand que Mozart » ; « R a parlé encore de Berlioz, ''qui entendait visuellement d'une manière merveilleuse, et cela réveillait ses pouvoir d'invention. Sinon pitoyablement mince'' ». Et de discuter sur la « stupidité » de la musique de Mendelssohn et la beauté des mélodies de Bellini. Mais Beethoven est sa véritable obsession : « R demande à quoi a servi Beethoven : "Ils n'ont rien appris de lui, tout ce qu'ils font, c'est essayer de l'imiter'' » ; « Ma vie, s'écrie R, n'a pas atteint le final en Ut majeur de la Symphonie (n° 5 de Beethoven) en Ut mineur. Tout ce dont je me souviens est trivial ». Il y a aussi des nouvelles des contemporains : « R me lit une lettre étrangement intelligente que Herr Brahms lui a écrit pour lui remercier de lui avoir envoyé Das Rheingold ». Cosima nous dévoile un peu de l'inconscient du compositeur, victime d'un sommeil léger : une nuit il rêve « qu'il a ajouté un ballet dans la scène de Kundry (dans Parsifal), incluant un boléro », une autre qu'« un Pape qui ressemble à Bruckner lui rend visite, et quand R va pour baiser sa main, Sa Sainteté l'embrasse ». Mais la France et les Français, objet de amour et de haine pour Wagner, sont parfois le pire de ses cauchemars : « La nuit dernière R a rêvé en français ».

Pablo Galonce

 

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