Après tant d’autres, encore un opuscule censé « percer le mystère » Mozart ! Les précédents ont donc échoué dans cette entreprise impossible. Sont proposés sept entretiens faits « de questions fictives et de réponses authentiques, [car] extraites, hors d’infimes exceptions, des lettres de W. A. Mozart [traduites en 1928 par] Henri de Curzon. » Fausse bonne idée ! De ces réponses maintes fois publiées, le lecteur de 2012 n’apprendra rien de neuf, aucun mystère ne sera donc percé. Lesdits entretiens se sont déroulés de septembre à la mi-novembre 1791. La santé de Mozart lui permettait-elle, juste avant sa mort, de répondre à bon escient ? Pas toujours. Il semble parfois avoir perdu tout repère temporel et spatial : d’où de pénibles radotages. Evoquant Pleyel, il se croit toujours en 1784. Interrogé sur la musique religieuse à Vienne en cette fin 1791, il reprend une déclaration de son père remontant à 1776 et concernant Salzbourg. Il oublie que sa sœur ne vit plus à Salzbourg mais à St. Gilgen avec son mari. Quelle pitié ! Pourquoi ne réfléchit-il pas sur les causes profondes de son échec à Paris, au lieu de se plaindre d’avoir eu froid avant de se produire ? Pourquoi ne proteste-t-il pas en entendant son intervieweur citer comme ayant été composée en 1778 dans la capitale française la plus tardive sonate « Alla Turca » ? Ou le qualifier lui-même d’homme « simple et bon, pur, loyal et noble de caractère » ? Très conscient de sa propre ambivalence, Mozart est allergique à la « brosse à reluire ». On s’étonne enfin de voir un tel connaisseur des auteurs contemporains d’opéras et de la vie de cour à Vienne écorcher le nom d’Anfossi pour en faire Alfonsi et accuser sans preuves Salieri, qui n’avait aucun intérêt à agir de la sorte, d’avoir « ouvertement déclamé contre Figaro ». Sans doute la disparition de Mozart intervint-elle sans qu’il ait eu le temps d’examiner et de corriger les épreuves de cette série d’entretiens : on l’espère pour sa mémoire.
Marc Vignal
Olivier Bellamy : Entretien avec Wolfgang A. Mozart. Plon, 2012, 141 p.