Cinq DVD, cinq spectacles historiques du Deutsche Oper Berlin, à l’occasion du centenaire de la maison. Le coffret offre une photo sinistre du bâtiment reconstruit en 1961, qui servira d’opéra à Berlin-Ouest, le Staatsoper unter den Linden se trouvant à l’Est, derrière le Mur nouvellement édifié. Programme inquiétant aussi : Don Giovanni (le spectacle d’ouverture – 1961), Otello, Fidelio, Don Carlos, Die Heimliche Ehe (Le Mariage secret de Cimarosa), tous chantés en allemand, sauf Otello, où les solistes s’expriment en italien et les chœurs en allemand. L’espoir revient au vu des distributions - Dietrich Fischer-Dieskau, Elisabeth Grümmer, Walter Berry, Christa Ludwig, James King, Pilar Lorengar, Renata Tebaldi, Martti Talvela – et des chefs – Ferenc Friscay, Artur Rother, Lorin Maazel, Wolfgang Sawallisch. Nouvelle déprime à l’idée de ce qu’on va voir : des mises en scène essentiellement assurées par l’intendant maison, le spartiate Gustav Rudolf Sellner, captées en noir et blanc avec les moyens télévisuels de l’époque. La surprise n’en est que plus belle : parce que spartiates, justement, mais filmés avec une souplesse remarquable, les spectacles échappent au kitsch et évoquent - le génie en moins - l’esthétique de Bertolt Brecht, de Wieland Wagner, de Jean Vilar. Même rigueur dans le jeu d’acteur, réaliste, minimaliste, mais rarement souligné, ni grimaçant. Quant à la musique… Trois moments de grâce parmi d’autres : les duos de Don Carlos, chantés « à la corde » par Fischer-Dieskau et James King, l’ouverture du Mariage secret s’envolant littéralement sous la baguette du jeune Maazel, tout Fidelio, avec une Christa Ludwig plus rayonnante encore que dans l’enregistrement illustre d’Otto Klemperer (EMI). Plus difficile, après cela, de se dire que les légendes d’hier sont à écouter les yeux fermés.
François Lafon
Deutsche Oper Berlin, un coffret Arthaus Musik, ou 5 DVD séparés.