Entractes sans ennui jusqu’au 31 décembre au Théâtre des Champs-Elysées, avec l’exposition Jean-Louis Barrault et la musique, à l’occasion du centenaire de la naissance du grand homme. Pourquoi le TCE, où Barrault n’a jamais joué ? Parce que c’est là qu’ont lieu actuellement les concerts Janine Roze (ceux du dimanche matin, et, parfois, du soir), lancés, grâce à Barrault, au Théâtre d’Orsay, et que Janine Roze est une fidèle. Elle a réuni des documents connus, et d’autres très rares, dont les guest stars sont Pierre Boulez - Monsieur musique de la Compagnie Renaud-Barrault -, Arthur Honegger, Francis Poulenc et Darius Milhaud, qui écrivaient pour Barrault des musiques de scène de la même manière qu’André Masson ou Christian Bérard lui brossaient des décors, Grace Bumbry en Carmen (au MET de New York), ou le couple Jean-Louis-Madeleine dansant à Saint-Germain avec Boris Vian. On y découvre aussi que si Barrault n’a pas joué au TCE, il en a fréquenté les toits, en 1937, alors qu’il répétait Numance de Cervantès à la Comédie des Champs-Elysées. Ce sont deux fresques en grand large courant autour de la salle, qui donnent une sensation de mouvement perpétuel, comme pour montrer que Barrault n’a jamais cessé de valser avec la musique, ou plutôt autour d’elle, lui qui avouait : « Je ne connais pas la musique. J’ai été mal élevé, d’une façon un peu sauvage, sans orientation. J’aime la musique physiquement, d’abord parce que je suis danseur, instinctivement danseur ». Quatre Concerts du dimanche matin, une projection de La Vie parisienne au Palais Royal, une Symphonie fantastique au musée d’Orsay, le ballet de José Martinez tiré des Enfants du paradis au Palais Garnier illustrent en musique le parcours Barrault, une vie sur scène, qui dure toute la saison, et nous emmène du Théâtre de l’Atelier à la Comédie Française, du Grenier des Grands-Augustins au Théâtre Marigny, de la Cinémathèque à l’Odéon, du Théâtre du Rond-Point au Centre National du théâtre. Tout cela à fond privés, ceux de Pierre Bergé, entre autres, qui a contribué à forger la légende tandis que Saint-Laurent créait pour Madeleine Renaud des robes simples et chic. « Barrault ? Connais pas », entend-on jusque dans les couloirs du Conservatoire (de musique, bien sûr, mais même d’art dramatique). Question de génération, certes. Mais maintenant, on n’a plus d’excuse.
François Lafon