Dans la famille des bébé-stars, voici Jackie Evancho, dix ans et quatre mois, qui a mis le Nouveau Monde à ses genoux, le 10 août, en chantant O mio Babbino caro (Puccini, Gianni Schicchi) au cours de l’émission-jeu de la NBC America’s got talent. Sur YouTube, la vidéo de l’émission fait un carton. Sur Wikipedia, où elle est déjà répertoriée, la jeune Jackie est définie comme « une jeune soprano née à Pittsburgh, Pennsylvanie ». On apprend que sa vocation est née il y a deux ans, au cours d’une représentation du musical Le Fantôme de l’Opéra (Andrew Lloyd Webber), et qu’elle n’en est pas à son premier jeu télévisé. On découvre aussi qu’en 2009 elle a enregistré un disque, sur lequel elle chante la chanson Con te partiro, qui a lancé Andrea Boccelli, déjà O mio Babbino caro et l’Ave Maria de Schubert, ce dernier non en allemand, mais en latin. La presse la compare à Susan Boyle, eu égard aux circonstances et à la soudaineté de son succès. Renaud Machart, dans Le Monde, lui consacre un article élogieux, louant en particulier la joliesse de son timbre, et rappelle que Jackie Evancho a été précédée aux Etats-Unis par Beverly Sills, qui maniait le contre-fa à l’âge de huit ans dans des radio-crochets, et en Angleterre par Charlotte Church, promise à onze ans à une grande carrière lyrique après son passage au Big, Big Talent Show sur la BBC. La jeune Jackie deviendra-t-elle une Sills du XXIème siècle, une pop star doublée d’une animatrice-télé, telle Charlotte Church, ou … rien ? On ne peut même plus, de nos jours, rêver à des lendemains qui chantent en écoutant Un bel di vedremo (Puccini, Madame Butterfly), interprété le 7 avril 1935 à L’Heure des Amateurs du commandant Bowles par une adolescente dont la voix ressemble étrangement à celle de Maria Callas. Le document est, paraît-il, un faux. Mais c’était avant YouTube et la télévision.
François Lafon