« L’époque est dangereuse, mais j’ai le courage de me battre pour la culture » a déclaré Gerard Mortier, directeur du Teatro Real de Madrid. Un budget amputé de 33%, un Boris Godounov moins cher que prévu pour ouvrir la saison : comme le Liceo de Barcelone, le musée du Prado ou l’Institut de la cinématographie, le Real subit la crise, dans une Espagne où le secteur culturel, qui représente 4% du PIB et 600 000 emplois, a subi, en quatre ans, un déficit budgétaire de 70%. Interviewé par le site espagnol Lainformacion.com, Gerard Mortier explique que « la crise coïncide avec la fin de la civilisation, et que l’avenir est à la culture et non à l’économie », en donnant pour preuve que « si nous connaissons encore les civilisations grecque et romaine, c’est pour leur culture ». Un raccourci typique du brillant ex-directeur de la Monnaie de Bruxelles, du festival de Salzbourg et de l’Opéra de Paris, dont la politique de spectacles chocs et la volonté de faire participer l’opéra à une réflexion globale sur le monde dans lequel nous vivons ont fait le succès. Dans cette optique, il ajoute que « la marque Espagne ne concerne pas seulement les sports, mais aussi les institutions culturelles, les grands chanteurs de flamenco, les guitaristes et les compositeurs ». Il précise aussi que s’il parle d’une époque « dangereuse » et non « triste », c’est parce que le footballeur Ronaldo, avec ses deux millions d’euro nets par mois, est triste lui aussi. Une pierre dans le jardin de ceux qui lui reprochent sa propension à sacrifier l’équilibre des budgets à la beauté de l’art ?
François Lafon