Vendredi 19 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
A l'Athénée, du poivre dans les encensoirs
vendredi 7 juin 2019 à 17h24
Si indépendant Albert Roussel (1869-1937) qui, après sa formation musicale, choisit de faire carrière dans la marine, pour revenir ensuite étudier le contrepoint à la Schola cantorum – devenu professeur, il aura pour élèves Satie et Varèse, ou encore Martinu et Krasa. Qui, parmi les musiciens d’aujourd’hui, qui n’ont pas été des enfants prodiges, peut rivaliser avec un catalogue si diversifié, du ballet (Le festin de l’araignée, Bacchus et Ariane…) à l’opéra Padmâvati, en passant par de mémorables partitions d’orchestre (les Évocations, les quatre symphonies) ou de musique chambre, jusqu’à cette opérette, Le testament de la tante Caroline, signée en 1936 et ressuscitée à point nommé par Les Frivolités Parisiennes ?
L’histoire, entre grand-guignol et humour noir – Oui, on peut rire à un enterrement ! –  est du génial Nino, pseudonyme de Michel Veber, neveu de Tristan Bernard et auteur de livrets pour Ibert (Angélique) et Rosenthal (Rayon des soieries, Un baiser pour rien, Les bootleggers), qui fournit au compositeur un feu d’artifices de situations comiques et de calembours à l’emporte-pièce, digne du grand Guitry.
Dix ans avant la création française, à l’Opéra Comique, sous la baguette de Roger Désormière – qui fut un four (…), Roussel confessait : « qu’avec Ravel, tout est conventionnel au théâtre, et qu’il est donc inutile de chercher à faire vrai. C’est pourquoi je crois opportun un retour à certaines formes délaissées ou peu exploitées : opéra-bouffe, ballet, opéra-ballet. » Remonter un siècle plus tard de tels ouvrages est un pari risqué. Si le texte de Nino « tient » toujours – « Les situations sont franches, la méchanceté est totale ! » écrit à juste titre le metteur en scène Pascal Neyron –, en revanche gare à l’interprétation, qui peut vite basculer dans la caricature, la lourdeur, voire la vulgarité… Force est de constater que le plateau – neuf comédiens et chanteurs, tous formidables – se régale de ce texte qui virevolte entre parlé et chanté, et dont l’esprit se situe du côté de la comédie napolitaine, voire de Gianni Schicchi de Puccini – autre histoire de testament, tout aussi loufoque ! La musique se veut grinçante et enjouée, on y entend aussi bien la mélodie débridée du Festin de l’araignée que les rythmes caracolant de la 3ème Symphonie dans cet orchestre de vingt-sept musiciens (pas si petite que cela, la fosse de l’Athénée !), sous la baguette du chef d’orchestre Dylan Corlay… également prêtre officiant devant le cercueil de cette « pauvre » tante Caroline. On s’amuse, on rit, et on loue la prestation de ces héritiers qui se chamaillent avec un enthousiasme et un mordant communicatifs : Marie Perbost, Marion Gomar, Marie Lenormand, Lucille Komitès, Fabien Hyon, Charles Mesrine, Romain Dayez, Aurélien Gasse et Till Fechner…   

Franck Mallet

6 juin, Athénée théâtre Louis-Jouvet, Paris
Prochaines représentations : 11, 12 et 13 juin, 20h – et 12 juin, conférence sur l’œuvre, salle Christian-Bérard, à 19h (Photo : @PierreMichel)
 

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