Tout comme Lully puis Gluck, Spontini jeta en son temps les fondements de l’Opéra à la française. Admiré par Wagner et Berlioz, il confiait lui-même au premier que « depuis la Vestale, il n’a point été écrit une note qui ne fût volée à mes partitions. » De cet opéra entre deux époques, le Théâtre des Champs-Elysées offre une représentation entre deux eaux. Avec une mise en scène dépouillée à l’extrême, des décors et des costumes intemporels, ainsi qu’un beau travail de lumières, le metteur en scène Eric Lacascade privilégie la dimension sensuelle de l’œuvre – difficile de ne pas penser parfois, à l’Extase de Sainte Thérèse (du Bernin), visible à jet de pierre du temple de Vesta – et en oublie les tourments et les fureurs. Ermonella Jaho, en Vestale vers qui tous les regards se tournent, est à l’unisson : elle fait merveille dans les pianissimi (et aigus), mais manque de densité dans les passages en puissance (et graves). En revanche, son alliance avec la grande prêtresse (interprétée par Béatrice Uria-Monzon) fait de l’acte II le moment fort de la représentation. Côté homme, l’univers macho et bellâtre voulu sans subtilité par Eric Lacascade cultive à contre-emploi le ridicule. Si Jean-François Borras (Cinna) et Konstantin Gorny (Le Souverain Pontife) ont pour eux le timbre, la diction et le sens dramatique, Andrew Richard se contente de faire invariablement le cabotin, avec peu du reste. Les chœurs (Chœur Aedes) sont, avec le face à face du deuxième acte, la deuxième clé magique de cette soirée, laissant dans l’ombre une direction orchestrale (Jérémie Rhorer ; Le Cercle de l’harmonie) flottante, notamment dans les solos de vents.
Albéric Lagier
Théâtre des Champs Elysées, les 15, 18, 20, 23, 25 et 28 octobre 2013. Rediffusion sur France Musique le samedi 2 octobre à 19h00. Photo © Théâtre des Champs-Elysées