Au Théâtre de la Colline, Des Arbres à abattre, tiré du roman de Thomas Bernhard. Une soirée infernale, où l’auteur, ancien élève du Mozarteum de Salzbourg, accepte de revoir, vingt ans après, un couple de Verdurin-artistes-viennois, elle chanteuse, lui compositeur « dans la lignée de Webern ». Dans le box des accusés : l’Autriche, ses intellectuels, ses acteurs, ses musiciens. L’assemblée s’était retrouvée, l’après-midi même, pour l’enterrement d’une amie dissidente, au son du Boléro de Ravel. Le champagne aidant, le débat s’envenime : le narrateur se rappelle la Mort de Didon (Purcell) chanté autrefois pas l’hôtesse, mais c’est maintenant Pierrot Lunaire que celle-ci place dans la conversation, entre deux citations de Wittgenstein. Quand son mari craque, il se met au piano : Webern (à moins que ce ne soit sa propre musique) mais aussi Schumann. Lors de la parution du roman, en 1984, un obscur compositeur viennois, Gerhard Lampersberg, a porté plainte pour diffamation. C’est Bernhardt qui a gagné le procès. Ni dans le programme, ni dans le dossier dramaturgique, ni dans la présentation de presse (visible sur Internet), Célie Pauthe et Claude Duparfait, les adaptateurs et metteur en scène, n’insistent sur l’aspect musical de l’œuvre, pourtant très présent dans leur (excellent) spectacle. Différence entre Vienne et Paris ? On n’en admire pas moins la virtuosité de François Loriquet (l’hôte compositeur), aussi habile comme comédien que comme pianiste.
François Lafon
Théâtre National de La Colline, Paris, petite salle, jusqu’au 15 juin. Photo © E. Carrechio