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Stockhausen à l’Opéra Comique, résidence céleste
vendredi 16 novembre 2018 à 01h18
A l’Opéra Comique : Donnerstag aus Licht (Jeudi de Lumière) opéra en trois actes pour quatorze solistes, chœur, orchestre et bandes de Karlheinz Stockhausen, première journée d’une heptalogie (1977-2003) jamais encore jouée en entier, auprès de laquelle la Tétralogie wagnérienne ferait presque figure de lever de rideau. Pour le thème, une Flûte enchantée plutôt, mais à la mesure du démiurge Stockhausen, se mettant en scène sous les traits d’une trinité (ténor, danseur, trompettiste) figurant Michael, archange incarné triomphant de Lucifer au terme de l’aventure de toute une vie, des traumatismes de l’enfance au dépassement de soi final débouchant sur l’acte créateur. “Comment c’est en haut ? », demandait ironiquement le metteur en scène Luca Ronconi lors de la création à La Scala de Milan en 1981. « Il y a beaucoup de lumière, lui répondait sans rire Stockhausen, fais-moi une résidence céleste, des personnages qui ne soient que lumière, et qui n’aient aucune ressemblance avec des hommes ». Benjamin Lazar, qui reprend aujourd’hui le flambeau, cite aussi le compositeur : « Il faut que cela se présente à l’auditeur comme une chose inouïe, inexplicable comme la vie ». Avec le chef Maxime Pascal et son décidément bluffant ensemble Le Balcon, il adopte le principe stockhausenien que « celui qui absorbe la musique devient la musique » et suit, plus concrètement, les mouvements très précis exigés des interprètes, indiqués par le compositeur au-dessus des notes. Cela donne un spectacle à la fois mystérieux et lisible, intime et cosmique, mêlant corps et sons avec une extraordinaire virtuosité, prodige auquel Ronconi lui-même n’était (selon l'auteur) pas parvenu. Le deuxième acte, - à l’audition un superbe concerto pour trompette - devient un titanesque combat avec le Diable (lui aussi trinitaire et armé d’un trombone) se terminant en scène d’amour tristanesque avec Eva (cor de basset). Formidable plateau – chanteurs, choristes, danseurs, instrumentistes – mené par le ténor Damien Bigourdan (Michael-voix), relayé au troisième acte par Safir Behloul, véritable officiant dans la « Vision » finale, et le trompettiste Henri Deléger (Michael-instrument), digne successeur du créateur Markus Stockhausen (fils de…) « Nous en sommes encore au premier opéra du cycle, mais Licht a déjà opéré une métamorphose en nous », remarque Maxime Pascal. Manière d'annoncer une suite : Samstag aus Licht est programmé à la Cité de la musique en juin prochain. 
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu’au 19 novembre (Photo © Stéphane Brion)
 
 

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